Francofolies de Spa 2023: une première journée sous le signe des surprises et du changement

Les Francofolies renoncent au cashless et célèbrent les femmes avec Juliette Armanet, RORI, Suzanne et Charles. Récit d’une première journée 100% folle.

On avoue, ces dernières années, nous avions quelque peu oublié que dans l’appellation "Francofolies de Spa", il y avait le terme "folies". Ce jeudi 20 juillet, première des quatre journées du festival qui se clôturera ce dimanche avec Florent Pagny et La Fête à Cali, nous avons ressenti ce vent d’audace qui fait frémir les sens, ce souffle de déraison qui fait du bien dans les mécaniques trop huilées, ce parfum d’insouciance nécessaire à toute valeur ajoutée, cette aptitude un peu rebelle à sortir des lignes et à se remettre en question. Et il faut dire mille fois bravo. Tant à son guide charismatique sortants  Charles Gardier (on a croisé à plusieurs reprises, et plus passionné que jamais, le cofondateur des Francofolies de Spa devant les scènes) qu’à l’équipe en place pilotée par le nouveau directeur Yoann Frédéric.

Fini le cashless

Francofolies de Spa 2023 Mathieu Golinvaux

Cette 28e édition réussit à retrouver son âme tout en innovant à sa manière. Le festival va ainsi à contre-courant de la tendance actuelle. Il balaie, définitivement on l'espère, cette fausse bonne idée et vraie arnaque pour le consommateur, qui s’appelle le cashless. Quel bonheur retrouvé de pouvoir payer ses bières, ses frites ou ses mojitos en festival en utilisant le mode de paiement de son choix. Oui, un peu comme dans la vie de tous les jours chez votre épicier ou à la boulangerie du coin. C'est simple et ça fonctionne très bien. Fini les comptes d’apothicaires en douros ou autre monnaie virtuelle instaurée un peu partout cet été. Fini ce hold-up qui consiste à vous faire perdre toute notion de valeur de vos achats avec des prix affichés en unités impossibles à convertir mentalement. Fini ce scandale où on vous taxe au passage 3,50 euros si vous souhaitez vous faire rembourser le solde restant sur votre puce.

Bars en Folie

Les Francos 2023 proposent aussi à nouveau des dizaines de concerts gratuits en dehors du site. L’occasion pour de nombreux artistes belges (quinze sur les dix-sept prestations proposées ce jeudi) dans un piétonnier à l’accès et à l’acoustique agréables, mais aussi dans les bars « en folie » qui n’ont jamais aussi bien porté leur nom, sur des places publiques et même aux Thermes. Du coup, c’est toute la cité spadoise qui vibre au son de la musique. De toutes les musiques… L'occasion de faire de belles découvertes, notamment dans le cadre du Concours Franc'off qui a déjà attiré beaucoup de monde lors de ses premières joutes où a brillé La Maja.

La journée des femmes

Les Francos 2023 ont aussi revu la philosophie de leur programmation. On ne change pas tout du jour au lendemain, mais ça évolue dans le bon sens. Surprise, il n’y pas Machiavel, les Gauff’ au Suc’, Suarez ou d’hommage à Pierre Rapsat cet année. Les affiches sont désormais plus cohérentes sur chaque scène. Et là aussi, ça donne des résultats étonnants qu’on ne retrouve nulle part dans les festivals qui ont fait de la parité et de la défense des talents locaux un argument marketing. Ce jeudi, sur le site payant du festival, huit des treize artistes programmés étaient des artistes belges. Sur les deux scènes principales (scène Pierre Rapsat, Scène Proximus), on a compté cinq artistes féminines pour deux noms masculins (Mika, Bon Entendeur). Ces femmes étaient parfaitement à leur place. Elles étaient là pour leur talent et la qualité de leur proposition artistique, pas seulement pour des raisons de quotas ou pour se donner bonne conscience.

Juliette Armanet et RORI 

RORI Francofolies de Spa 2023 Mathieu Golinvaux

Sur la scène Rapsat, Juliette Armanet a livré le même concert qu’il y a quelques semaines au Forum de Liège dans le cadre du festival Jazz à Liège. Même plaisire, même intensité, même setlist aussi. C’était chaud et exactement ce que le public attendait. RORI, qui a ouvert les débats, a encore marqué des points. Elle a aussi gagné un nouveau public. Incroyable comment cette jeune femme, qui se cherchait encore voici un an, a acquis une telle assurance en live. Sur son premier EP "Ma Saison en Enfer" paru au début de l’année, RORI chante son manque de confiance et regrette « ne pas avoir les codes ». Ce jeudi, sur le coup de dix-huit heures, dans sa robe bleue étincelante, en français dans le texte et avec des guitares rock qui sonnent de plus en plus comme chez Arctic Monkeys, elle a trouvé sa place tout en gardant son naturel désarmant, voire carrément fondant. Le meilleur concert que nous ayons vu de cette artiste et de beaux lendemains en perspective.

Les inédits de Charles

Charles Francofolies de Spa 2023 Mathieu Golinvaux

Sur la scène Proximus, l’enchaînement de Marie-Flore, Charles, Suzanne et Bon Entendeur était tout simplement parfait. Charles a pu se rendre compte que le public ne l’a pas oubliée, même si on l’a moins vue ces derniers mois. Souriante, émue d’être là, plus nuancée que jamais dans la voix et la construction de sa setlist, toujours aussi communicative avec l'assistance, la Brabançonne nous a aussi offert deux belles surprises: un nouveau titre en français (Mon Silence) et un autre en anglais (Time Of Space si on a bien compris). La Française Suzanne a, quant à elle, réalisé le hold-up de la soirée avec une prestation enivrante qui s’inscrira en lettres d’or dans le Grand Livre de nos souvenirs spadois. Seule sur scène, avec son sourire bienveillant, ses mimiques comiques, ses chorégraphies pas possibles, ses messages de tolérance et ses récits de la vie quotidienne écrits avec une rare précision, Océane Colom a tenu le public en haleine de bout en bout. Quelque part entre Stromae, Odezenne et la Angèle spontanée des débuts, elle aussi monte en puissance et a trouvé son espace pour s’exprimer dans une chanson pop française pourtant encombrée. C’était son deuxième passage aux Francos. Comme elle l’a laissé espérer, il y en aura certainement un troisième.

Suzanne Francofolies de Spa 2023 Mathieu Golinvaux

La grâce de Kowari

Autre bon point, la nouvelle scène improbable La Fontaine, dédiée aux musiques électroniques. Improbable pour le style musical qu’elle met en avant. Improbable pour sa situation géographique car elle est placée effectivement devant ... une fontaine et un plan d’eau. Impossible d’être face au podium. Mais quel plaisir d’être « sur les côtés » pour se plonger, une heure, durant dans les paysages oniriques et cinématiques du duo néo-classique Kowari. Du violon, du piano, des sourires, de l’apaisement à l’heure de l’apéro (même si c’est toujours l’heure de l’apéro aux Francos) et des titres d’un deuxième album qui s’annonce plus électro. Top.

Kowari nouvelle scène La Fontaine Mathieu Golinvaux

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