
Les Solidarités 2023: Zazie en éclaircie d’une première journée tristounette

Ce vendredi 25 août, première journée du festival Les Solidarités, nous avons croisé de nombreux visages. Des amis, des proches, des têtes qu’on reconnaît sans vraiment mettre un (pré)nom dessus, des inconnus aussi qui bavardent spontanément durant le parcours en navette, en faisant la queue devant la Grande Roue ou devant le stand de maquillage pour enfants. Des jeunes, des parents, des grands-parents. Rares sont celles et ceux qui nous ont parlé de musique. Outre la météo plus qu’humide et déjà automnale, le vrai sujet de conversation était le nouveau site du festival, implanté au parc industriel d’Ecolys à Suarlée.
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Bad mood

Les Solidarités 2023. Crédit Florent Marot
Pour rappel, un "parc industriel", ce n’est pas un parc avec des arbres. C’est un zoning de béton implanté en périphérie et autour d’un nœud autoroutier. C’est tout, sauf beau. Même avec l’imagination et les efforts des organisateurs, ça reste plat, rectiligne, tristounet et artificiel. Par rapport à l’ancien site naturel du festival, à la Citadelle de Namur encore en travaux de rénovation pour au moins quatre ans, il n’y a aucune comparaison possible. Il faudra s’y faire. Il faudra s’y habituer. Et y voir du positif car positif il y a.
En attendant de l’apprivoiser, ce sont comme toujours les avis les plus négatifs qui ont été mis en exergue et amplifiés comme il se doit sur les réseaux sociaux. Ici, une famille qui avait décidé de venir en voiture ("car deux poussettes dans un bus, ce n’est pas pratique") et qui a "galéré une heure trente dans le zoning"). Là, un couple habitant la commune voisine de Saint-Servais qui a dû se rendre -en voiture- dans le centre de Namur pour prendre une des navettes gratuites. "C'était ça ou marcher trente minutes, demain on marchera ou ne viendra pas."
Les façades mornes d’un hôtel Ibis comme décor de fond de la scène principale, une route empruntée par des camions qui longe le site, un son caduque qui doit trouver son chemin entre ces tonnes de béton et, oui, la pluie qui mouille…ont aussi alimenté ce bad mood. Voilà aussi une caractéristique des festivaliers en 2023. Ils répondent présent. Ils acceptent de payer (et les tarifs des Solidarités sont parmi les plus attractifs en Fédération Bruxelles-Wallonie) mais sont de plus en plus exigeants. Tout doit être parfait, même les paramètres qu'on ne contrôle pas comme la météo.
La bienveillance de Mentissa

Menitssa Les Solidarités 2023. Crédit Florent Marot
Pourtant, il y a eu aussi beaucoup de sourire en cette première journée. Les stands associatifs, les manèges et spectacles "jeune public" ont cartonné, les espaces dédiés à la culture urbaine (skate, graffitis, breakdance,…) ont fait le plein. Et il y avait déjà du monde sur la deuxième scène La Plage (drôle de nom, non ?) lors du concert tout en apesanteur de RIVE venu défendre son excellent deuxième album "Collision" paru au printemps dernier.
Mentissa, la nouvelle étoile montante francophone, a aussi eu la chance de jouer sous un ciel dégagé en ouverture sur la grande scène. Toujours bienveillante, mais encore trop lisse, sa pop colorée et parfumée de sonorités délicates a trouvé son chemin. Avec un seul album à son actif (le générationnel "La Vingtaine"), elle peut déjà compter sur une solide fan base. Avec RORI (présente ce samedi aux Solidarités) et Pierre de Maere, elle est la révélation belge de cette année.
La grâce de Zazie

Zazie Les Solidarités 2023. Crédit Florent Marot
La tête d’affiche de cette première soirée se nommait Zazie. Toujours zen, drôle dans ses interventions et juste dans le propos, la chanteuse s’affranchit des formats de la variété française. Elle a le mérite de se remettre en question sur chaque tournée.
Ce vendredi, Zazie a pris le temps d’imposer les mélodies, quelque part entre colère saine et lâcher prise, de son dernier album "Aile-P", pourtant loin d'être un gros carton commercial. Et elle a raison car ce disque de huit titres abrite des perles. Notamment l’autobiographique Ça Commence, qu’elle interprète derrière un rideau en ouverture de concert.
Le son est loin d’être top, il y a beaucoup de bavardages dans la foule, il y a parfois des temps morts, mais sa prestation touche les cœurs car elle respire de sincérité. On aime son aisance pour passer de l’énervé Gilles à des ballades de son back-catalogue. On aime quand elle fait ressortir avec ses musiciens ses premières amours rock. On aime son honnêteté (J'étais là) ou lorsqu’elle invite le public au dépassement de soi (Lève-toi).
"Quand j’ai compris que chanter allait devenir mon métier, j’ai dû apprendre à développer une observation plus sensitive du monde qui m’entourait, nous expliquait Zazie à la sortie d’"Aile-P" en novembre dernier. J’ai aussi fait en sorte de rester toujours libre dans mes choix musicaux. Sans ça, je me serais vite ennuyée. Et aujourd’hui, trente ans après mon premier album "Je, Tu, Ils", je ressens beaucoup de gratitude à être toujours là. C’est le signe que les gens m’ont laissé cette grâce à faire des diversions et proposer des choses différentes." Bien dit et bien vu Zazie. Elle nous revient à Forest National ce 23 septembre.
Juicy et Aloïse Sauvage

Juicy Les Solidarités 2023. Crédit Florent Marot
Davantage guidée par des raisons politiques que par la polémique suscitée par un tweet il est vrai maladroit et douteux, la déprogrammation du concert du rappeur français Médine n’a plus fait de vague. Le duo féminin belge Juicy, qui a repris le slot de Médine en last minute, a eu l’élégance de remercier les organisateurs de cette belle opportunité.
Mais Sasha Vovk (chant/claviers/guitare) et Julie Rens (chant/claviers/batterie électronique) ont aussi rappelé qu’elles étaient contre toutes les formes de censure. Juste avant Juicy, Aloïse Sauvage a débordé d’énergie pour garder son public malgré une pluie battante. "Je fais de la poésie avec mes nœuds", avoue la jeune femme sur son deuxième album "Sauvage". Equilibriste des mots et voltigeuse (au propre comme au figuré) d’une chanson française qui répond aux codes urbains, cette circassienne formée à l’Académie Fratellini propose un show qui doit autant à la musique qu’aux arts de la scène. Pas épargnée par la météo, elle aurait mérité plus d’attention.

Aloïse Sauvage Les Solidarités 2023. Crédit Florent Marot