
Film - Le crime était presque parfait

Dans le Hitchcock/Truffaut, le maître du suspense déclare à propos du Crime était presque parfait: "Nous pouvons passer rapidement dessus". Truffaut répond: "Pardonnez-moi de ne pas être de votre avis, même s’il s’agit d’une œuvre de circonstance…". Lequel a raison? Les deux!
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Disons-le tout net: on n’y trouve pas les habituels morceaux de bravoure chers à Hitch. Pas de scène de suspension au sommet de la statue de la Liberté et pas de duel sur le mont Rushmore. Obligé par la Warner de tourner le film en 3D (une pratique destinée à concurrencer la télé mais dont le public se lassa rapidement), Hitchcock simplifie son découpage et accentue l’atmosphère confinée de la pièce de Frederick Knott qui venait de connaître le succès à Londres et à New York.
Il peste contre la lourdeur des deux caméras nécessaires au procédé 3D et, aux dires de Grace Kelly, s’occupe surtout pendant le tournage de préparer son futur chef-d’œuvre Fenêtre sur cour.
Oui, mais même un Hitchcock mineur reste une tranche de gâteau. Le très stylé Ray Milland incarne avec suavité l’un des meilleurs méchants de sa filmo. Et le suspense du Crime… respecte à la lettre la règle d’or du réalisateur: il faut d’abord informer le spectateur, puis jouer avec son attente. L’assassinat de Grace, projeté par son mari, nous est donc expliqué en détail… avant le moment fatidique où un grain de sable peut venir enrayer la machine.
Fidèle à sa réputation de filmer les scènes de meurtre comme des scènes de sexe et vice-versa, Hitch passera une semaine à tourner les quelques plans où la belle est assaillie en chemise de nuit virginale. Une idée à elle car lui, il avait d’abord pensé lui faire porter un déshabillé de velours pour obtenir de jolis effets d’ombre et de lumière. Ombre et lumière: voilà une formule qui définit bien l’art et la vie d’Hitchcock, comme l’a magistralement développé Patrick McGilligan * dans une récente bio de Sir Alfred.
Mardi 14 La Trois 21h05 en V.O. ss-t. fr.