
[TELEFILM] L'escalier de fer

Entêtante et mélancolique, la petite musique du cirque installé sur la place parvient doucement à l’oreille d’Etienne Lomel. En plein après-midi de cet hiver 1963, l’homme est alité. Malade sans doute, mais surtout soucieux, déprimé même. De mystérieux malaises empoisonnent sa vie depuis quelque mois. Et les jours heureux paraissent bien loin: ceux où, jeune représentant pour une imprimerie-papeterie, il gagnait le cœur de la fille du patron – une femme mariée dont l’époux mourra bientôt, lui cédant ainsi sa place dans le lit conjugal. Il était joyeux et conquérant. Le voilà abattu. La belle Louise, pourtant, se montre si prévenante, si souriante. Trop?
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Le scénariste Jacques Santamaria et le réalisateur Denis Malleval connaissent bien l’univers sombre et poisseux de Georges Simenon, dont ils adaptent aujourd’hui L’escalier de fer. Ensemble, ils avaient – et brillamment – transposé à l’écran Les innocents et La mort de Belle, rebaptisé Jusqu’à l’enfer. Une fois encore, le duo parvient à restituer avec une grande finesse l’atmosphère si particulière des romans de l’écrivain belge. Le climat oppressant de la petite bourgeoisie, où un homme ordinaire voit soudain sa vie basculer. Subtile, la réalisation capte l’éloquence des silences, scrute les sourires fissurés. Et offre un très bel écrin aux deux acteurs principaux, formidables d’intériorité: Annelise Hesme, ambivalente en femme amoureuse de l’amour et terrifiée par le temps qui passe; et Laurent Gerra, étonnant dans ce premier rôle dramatique. L’humoriste, à qui la nostalgie simenonienne sied particulièrement bien, compose ici une partition tout en retenue et offre à la banalité un bouleversant visage. Une vraie découverte – dont les fans pourront prolonger le plaisir avec la rediffusion, à l’issue du téléfilm, du numéro d’Emmenez-moi que Laurent Boyer lui consacrait l’an dernier.