Eddy par les racines

Schmoll. Un drôle de nom pour une drôle de tête. Et pourtant, pas de panthéon de la chanson française sans Claude Moine, alias Eddy Mitchell, alias Schmoll, donc. Même les allergiques au look country savent goûter cette voix de crooner qui célèbre le rock américain des années 50 - mais pas seulement. Depuis ses débuts, ce gamin de Belleville a toujours su éviter la caricature et dérouler des histoires simples et denses, enroulées dans de puissantes mélodies puisant au-delà de ses inspirations premières. C’est que le p’tit Claude a de l’esprit et de la culture, rappelle le réalisateur Bernard Faroux: nourri à l’opérette par sa mère, qui lui fait découvrir Luis Mariano, biberonné à la littérature et au cinéma par son père, qui lui dessine ainsi les contours d’une Amérique imaginaire et idéalisée. C’est sûr, Elvis et Gary Cooper le font plus rêver que la France de René Coty. Mais après sa période Chaussettes Noires - le premier groupe de rock en France -, le jeune Eddy lancé en solo livre surtout son regard sur une vie qui est aussi la nôtre: l’enfance, l’industrialisation, la crise… Avec pudeur, simplicité et humour. Aussi sensible dans son approche que viril dans sa dégaine. Faux macho mais vrai cinéphile lorsqu’il présente, dès 1982, La dernière déance sur FR3 - une émission essentiellement consacrée aux films hollywoodiens des années 50. Inoubliable simplet dans Coup de torchon, rôle phare offert par un Bertrand Tavernier bien conscient qu’il faut "prendre quelqu’un d’intelligent pour jouer un crétin". Lui, ne se prend guère au sérieux, maniant l’autodérision plus souvent qu’à son tour. Mais ses amis sont là - Alain Souchon, Pierre Lescure ou Etienne Chatiliez qui le dirige dans Le bonheur est dans le pré - pour rappeler tout le talent de ce type tranquille, modeste et doué, auquel ce portrait bien ficelé rend un enthousiasmant hommage.