
L’Inde dans l’objectif

En 2013, Emma Tassy choisissait de raconter les bouleversements de la Chine à travers le regard et les clichés de quelques-uns de ses photographes – quatre épisodes rediffusés dimanche prochain à 16h40. Une démarche singulière, qu’elle renouvelle aujourd’hui avec l’auscultation d’un autre géant de l’Asie, également traversé par de violents soubresauts. Le portrait manque parfois d’unité – mais l’Inde elle-même, territoire immense d’1,3 milliard d’habitants, est si multiple et contrastée… Il se décline toutefois en quatre volets pointant chacun un aspect essentiel du pays. Des marchands de jute du fleuve Brahmapoutre aux égoutiers des bidonvilles de Bombay, le premier sonde les inégalités qui perdurent malgré les progrès de la démocratie. Inégalités entre riches et pauvres, entre castes, entre hommes et femmes, qui dressent de multiples frontières paraissant insurmontables. C’est que les autorités ont pensé la modernité en termes d’urbanisme et d’économie avant de songer aux droits et au bien-être des leurs.
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Et voilà l’Inde en pleine accélération, gagnée par le stress, perdant dans la course au progrès technique et scientifique des éléments de son identité – sa spiritualité, par exemple. Et voilà les Indiens avalés par le système, comme dans ce cliché de Sameer Tawde où des habitants de Bombay entrent dans la gueule d’un gigantesque serpent automate sans réagir. Au-delà de ces réflexions déambulatoires – qui interrogent aussi l’émergence du ”je” dans une société très communautaire et les nombreuses cultures que la nation peine à unifier –, cette collection documentaire offre de découvrir de très beaux clichés d’artistes indiens (comme Ragu Rai – photo). Des instantanés qui témoignent des changements comme des persistances, mais également de leur sensibilité propre et de leur relation intime à ce pays qui, selon les mots du photographe Sanjit Das, “rend sombre”.