La vie sauvage

"Je ne gâcherai pas mes jours à tenter de prolonger ma vie. Je veux brûler tout mon temps.” Et il brûle bien vite, Jack London, dont on célèbre cette année le centenaire de la disparition, surgie à 40 ans des suites d’une crise d’urémie. Un feu sauvage crépite dans ses veines dès sa jeunesse, marquée par la pauvreté dont il observe les ravages dans la conserverie où il travaille dès 14 ans. Nous sommes en 1890 et les États-Unis entrent dans l’ère de la modernisation, plongeant les prolétaires dans une plus grande misère encore. Lui a soif de vivre et prend bientôt le large - il sera “pilleur d’huîtres”, chasseur de phoques dans le Pacifique, vagabond du rail. Mais si l’aventure le démange, l’ambitieux Jack veut échapper à sa condition sociale. Alors il reprend ses études - brièvement - et avale tous les livres qui lui tombent sous la main. Marx affine sa conscience politique de futur socialiste encarté, Kipling et Melville nourrissent sa fibre littéraire.

Ne manque à l’écrivain en herbe que la matière: elle surgira par la grâce des innombrables anecdotes que London rapporte du Grand Nord, à l’occasion d’une incroyable mais vaine ruée vers l’or. Dès lors, il s’attelle à l’écriture avec frénésie et rigueur - mille mots chaque jour - et touche d’emblée un public large, séduit par l’énergie de ses romans sans forcément percevoir le sous-texte politique que ce documentaire, par la voix de spécialistes, vient pertinemment souligner. Au-delà de la riche biographie de l’auteur de L’appel de la forêt, ce sont les archives qui retiennent ici l’attention, en partie puisées dans ses photographies - London fut également grand reporter. On y découvre même des extraits de films qu’il produit à la fin de sa vie pour tâcher de se renflouer. Un beau portrait de l’écrivain le plus lu au monde, homme de conviction dont l’œuvre colossale vient de faire son entrée à la Pléiade.