
Les liens scélérats

En novembre 2012, à la suite de l’assassinat du président de la Chambre de commerce et d’industrie de Corse du Sud Jacques Nacer, le Premier ministre français Jean-Marc Ayrault s’indignait que ”la mafia [soit] à l’œuvre en Corse”. “Mafia: le mot est lâché pour la première fois”, écrit alors Pierre Péan dans Compromissions, la République et la mafia corse (Fayard, 2015). Le journaliste revenait dans cet ouvrage sur les ”liens scélérats” unissant l’ Île de Beauté aux pouvoirs politique et judiciaire depuis les années 30.
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Il cosigne aujourd’hui une série documentaire en trois parties sur le même sujet, précise et aussi captivante qu’un thriller. Trois épisodes, trois générations de mafieux qui racontent une certaine France, souterraine et longtemps intouchable. La première se forme à Marseille en 1929, lorsque le député Simon Sabiani s’offre les services de deux malfrats, le Corse Paul Carbone et l’Italien François Spirito. Leur collaboration scelle la première alliance politico-mafieuse d’un pays qui voit bientôt se développer une nébuleuse criminelle autour des politiques municipales. L’après-guerre prolonge ces liaisons coupables, la France et la CIA américaine utilisant les parrains corses pour contrer les communistes et défendre les colonies. Plus tard, la décolonisation cédera la place à une ”Corsafrique” symbolisée par Elf dans les années 80 et 90. Près de quatre-vingts ans de la vie d’une multinationale du crime au service de l’État français, décryptés au travers de riches archives et des passionnantes interventions d’historiens, de journalistes, de magistrats et de témoins - des proches de mafieux, mais aussi l’ex-P.D.G. d’Elf Loïk Le Floch-Prigent. On regrette un peu que les trois épisodes soient diffusés le même soir, mais la fluidité de la narration et du montage se charge de nous garder les yeux bien ouverts face aux compromissions dévoilées.