
Les sombres souvenirs chiliens

C’est avec un véritable coup de poing que la troisième chaîne de la RTBF clôture son cycle Fenêtre sur doc, consacré aux créations documentaires produites en Fédération Wallonie-Bruxelles. El color del camaléon immerge le spectateur au cœur d’une relation père-fils emplie d’interrogations et de peurs enfouies. C’est pour mieux comprendre son père qu’Andrès décide de le confronter à son passé. Pas particulièrement à l’aise à l’idée de revivre ses jeunes années au Chili, Jorge Lubbert met du temps à se confier. Son histoire a de quoi glacer le sang. Enrôlé à 21 ans par les services secrets chiliens sous la dictature Pinochet, Jorge doit se résoudre à obéir s’il veut vivre et protéger ses parents. Torture et manipulation psychologique le mènent chaque jour à la frontière de la déshumanisation. Rappelez-vous cette scène d’Orange Mécanique, lorsque Malcolm McDowell doit contempler une violence brute sur un écran de cinéma sans pouvoir fermer les yeux. Jorge Lubbert l’a vécu.
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Il parvient à fuir le Chili un an plus tard et rejoint son frère en Allemagne de l’Est pour s’installer finalement en Belgique. Jorge entame une nouvelle vie, devient caméraman en zone de guerre mais la peur ne le quitte jamais et sa valise est toujours prête. À 60 ans, il a accepté de revenir sur ses traumatismes. De Berlin, où l’on apprend que la Stasi l’a longtemps eu à l’œil, à Santiago, nous retraçons l’histoire d’un homme qui a résisté à l’appel de la sauvagerie mais qui n’a ensuite pu s’empêcher de fuir, sa famille, ses origines. On redécouvre aussi les atrocités du régime Pinochet mais on assiste surtout au rapprochement tardif d’un père et son fils.