
La marche rouge

On parle toujours de “révolution d’octobre”. Erreur. Le grand bouleversement russe démarre plus tôt, en février. Un fait, parmi de nombreux autres, que les programmes d’histoire oublient trop souvent, obligés qu’ils sont de survoler le XXe siècle. Ce documentaire de Bernard George répare les trous dans la ligne du temps. Grâce au récit qu’il nous livre de cette extraordinaire année 1917, on redécouvre ce qu’est un soviet, qui étaient Lénine et Trotsky. On apprend que Nicolas II, que l’imagerie présente comme un roi fainéant inféodé à Raspoutine, était dans les faits un monarque aussi absolu qu’inflexible.
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Que de clichés évacués en 53 minutes! Le tout sans un atome d’ennui… Car la grande force de ce film, c’est sa forme. Tout d’abord cette narration par Philippe Torreton, qui captive et donne du souffle au discours didactique. Ensuite le réalisateur a choisi, en guise de fil rouge, de suivre les chroniques de Claude Anet, journaliste français installé à Petrograd, capitale de l’Empire russe et haut lieu des événements. Claude Anet relate les faits, avec les yeux d’un homme de son temps. Et nous, on les découvre grâce aux images d’archives inédites, souvent colorisées, aux photos animées et aux lettres authentiques exhumées, pièces à conviction rares et précieuses. Au démarrage, on avoue qu’on tique face au mélange de séquences de fiction et de reportages réels. On aurait aimé que la frontière soit plus précise, histoire d’honnêteté intellectuelle. Puis l’on réalise que ce parti pris nous permet l’empathie face aux ouvriers russes, l’adhésion à ce récit d’une quête de liberté, d’autonomie et de vie meilleure. Un idéal que l’on voit se fracasser en live, sous les assauts de la soif de pouvoir des uns et des autres. Une leçon.