Web is dead

La fin de la neutralité du Net sonne le glas d’un de ses grands principes fondateurs. Mais l’Internet des origines, c’était quoi exactement ?

Tim Cook (Apple) © Belga Image

Dans l’imaginaire collectif, les années 1960 restent placées sous le signe de l’utopie. Libertaire, égalitaire, elle n’en était pas moins porteuse d’un idéal dont les effets se font largement sentir aujourd’hui. Oubliez les manifestations contre la guerre, Woodstock et les cheveux longs. Le véritable héritage des années 1960, c’est la révolution informatique. Un exemple? Le fondateur de la cybernétique, Norbert Wiener, actif à cette période, souhaitait déjà dématérialiser le corps humain afin d’éviter à l’humanité de revivre ce qu’elle avait subi pendant la Seconde Guerre mondiale. De là est né le vaste courant informationnel qui s’est concrétisé par la génétique, la robotique et l’Internet.

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Par le biais du micro-ordinateur et de l’informatique, c’est une nouvelle façon de se lier aux autres, de créer ensemble et de partager l’information qui est recherchée. Comme les hackers aujourd’hui, il fallait une population capable de penser hors d’un cadre académique ou institutionnel pour éviter qu’Internet finisse comme le Minitel en France. Les hippies s’en sont chargés. La drogue, un peu, mais surtout l’utopie et la volonté émancipatrice face à un système jugé contraignant sont à la base du développement du Web.

Quand le mouvement hippie a commencé à s’essouffler, à la fin des années 1970, les différents groupes se sont tournés vers les premières communautés virtuelles, notamment les forums. Stewart Brand, un des premiers à avoir amené le LSD dans les laboratoires de recherche informatique du Stanford Research Institute, a d’ailleurs créé “The Well” (Whole Earth ‘Lectronic Link) en 1985, l’une des premières communautés virtuelles, ancêtre de Facebook, qui offrait aux déçus du flower power un nouveau territoire d’exploration et de rencontre. La culture du Net fait rapidement souffler un vent de folie, d’humour et de liberté à travers la planète. La littérature avait anticipé la réalité, avec les œuvres de William Gibson (Neuromancien). Le théoricien anarchiste Hakim Bey célèbre quant à lui le retour de l’utopie pirate et les “hackers” connaissent leurs premières heures.

Aujourd’hui, la révolution numérique se trouve à un tournant. Le virtuel est rattrapé par le réel tant dans ses modèles économiques que dans sa régulation. La concentration progressive d’Internet dans les mains du GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) a fait entrer l’humanité dans l’ère des données. Depuis la régulation bancaire en passant par la sécurité, la santé ou encore par l’opinion (et donc la liberté d’expression), ces géants du Web dominent tous les aspects du réel. Ce ne sont même plus des entreprises, mais des poids lourds politiques. C’est ce qu’Edward Snowden nous a appris: il a suffi au gouvernement américain de collaborer avec quelques entreprises pour surveiller toute la population. Avec la fin de sa neutralité, actée il y a quelques jours aux USA pour privilégier son exploitation économique, l’Internet originel, utopique, est mort cette année. Notre tâche sera désormais d’inventer des lieux qui résistent aux flux.

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