
Le temps des égarés : libertés, égalités, fraternités ?

Fuir la guerre et se retrouver dans une bataille administrative pour prouver son statut de réfugié. C’est ce à quoi de nombreux migrants sont confrontés aujourd’hui. Dans Le temps des égarés, multirécompensé au Festival de Luchon 2018, ils sont représentés par Abdul, un intellectuel chassé pour son savoir, et la petite Assa, enlevée par son père pour lui épargner l’excision. Leurs chemins vont tous deux croiser celui de Sira (Claudia Tagbo), interprète polyglotte pour l’OFPRA (Office français de Protection des Réfugiés et Apatrides). Froide, rude et sérieuse, la jeune femme arrondit ses fins de mois en extorquant de l’argent aux migrants en échange duquel elle transforme leurs histoires pour leur assurer le statut de réfugiés. “Elle ne sourit quasiment jamais. C’est une femme rigide, presque robotique. Entre chaque prise, j’avais besoin d’ouvrir la soupape, de rigoler avec quelqu’un pour relâcher les muscles !”, explique Claudia Tagbo, ancien membre du Jamel Comedy Club. Mais au fur et à mesure du film, “on va comprendre pourquoi elle montre les dents tout le temps”.
La lecture de votre article continue ci-dessous
Servi par une superbe photographie, et un scénario très bien écrit par la scénariste Gaëlle Bellan (ce qui a d’ailleurs motivé Virginie Sauveur à entrer dans l’aventure), Le temps des égarés raconte avec justesse le difficile parcours des réfugiés, tout en exposant également le travail de ceux qui sont liés à leurs destins: avocats et travailleurs de l’OFPRA. Les histoires humaines se heurtent à la rigidité administrative jusqu’à ce que l’ironie soit totale: les récits trafiqués par Sira sont plus plausibles que ceux exemptés de mensonges. Émouvant sans en faire trop, ce téléfilm porte un regard nouveau et lucide sur la crise migratoire et l’accueil réservé aux migrants en France.