

Quel est votre premier souvenir de football féminin? Pour une poignée de mordus, c’est cette formidable finale de 2011, où les Japonaises créaient la surprise en surclassant les Américaines. Les filles débarquaient timidement sur quelques écrans européens, mais les téléspectateurs étaient alors très peu à pouvoir se targuer de maîtriser les arcanes d’un sport négligé. Huit ans plus tard, tout a changé. Les Diables ont conquis le monde (ou presque), donné envie à des milliers de petites filles de taper dans un ballon, et ont été suivis dans leur élan par des Red Flames en feu, participant aux Championnats d’Europe en 2017 et sortant la meilleure campagne de qualif de Coupe du monde de leur histoire.
Malheureusement éliminées aux portes du paradis, elles ont accumulé les matchs références en même temps que l’expérience du haut niveau. Certaines de nos joueuses ont rejoint le gratin du foot européen: Tessa Wullaert foule la pelouse de Manchester City alors que Janice Cayman vient de signer à l’Olympique lyonnais, club vainqueur des quatre dernières Champions League. La proximité du Mondial français et l’amour de nos voisins pour un sport qu’ils rêvent de dominer auront également largement aidé à l’intérêt du public. C’est donc tout naturellement qu’il s’est retrouvé sur les antennes de notre service public. “L’émergence du foot féminin est incontestable, rapporte d’emblée Michel Lecomte, le boss des sports à la RTBF. On l’avait déjà senti avec l’Euro d’il y a deux ans. Je pense pouvoir d’habitude assez bien anticiper les courbes d’audience, mais pour ce Mondial, j’ai été surpris par l’engouement.”
Concrètement, la compétition fait partie d’un package accordé par la Fifa à la RTBF lors des négociations autour du Mondial masculin de 2018. La chaîne s’était procuré les droits pour l’ensemble du tournoi russe et se voyait invitée à diffuser quelques pans de cette 8e Coupe du monde féminine: le match d’ouverture et la finale notamment. “Mais nous avons décidé d’augmenter la voilure et de proposer un peu plus de rencontres.” Parfois avec des commentatrices d’ailleurs! En l’occurrence Lise Burion et Cécile De Gernier lors du huitième de finale Pays-Bas/Japon.
Durant ce mois de Coupe du monde, vanter le fair-play des joueuses et le comparer au comportement souvent limite de leurs homologues masculins est presque devenu un cliché. Mais cette “pureté” a participé à réconcilier certains, dégoûtés, avec le ballon. Et rien qu’en cela, la diffusion du sport le plus populaire dépouillé de toutes ses dérives est une bonne affaire pour la RTBF. “Nous ne sommes pas uniquement là pour diffuser du sport spectacle et commenter les problèmes qui en découlent. Quand on sait que le match d’ouverture a été suivi par 220.000 Belges, et que les matchs des équipes féminines ita-liennes ou françaises en Coupe du monde ont ramené plus de téléspectateurs que ceux des hommes en qualifications pour l’Euro 2020, on se rend compte que nous ne pouvions pas passer à côté.”
Le service public se fait effectivement régulièrement tailler pour n’avoir pas soutenu les exploits de tel ou tel athlète belge. Ce fut notamment le cas lors du sacre de nos hockeyeurs en décembre dernier. Les droits étant détenus par Be tv, la RTBF se retrouva fort dépourvue face aux plaintes des supporters frustrés de ne pas pouvoir assister gratuitement à cette victoire historique. “On essaie d’être le plus réactif possible, mais on ne peut pas tout avoir… Nous sommes le service public qui diffuse le plus de sport après la Suisse. Cela paraît normal, mais ça ne l’est pas tant que ça.” En effet, le Belge qui a déjà essayé de regarder une Coupe du monde de foot ou les Jeux olympiques sur les chaînes françaises connaît son bonheur d’avoir accès à l’ensemble des rencontres ou des épreuves sur les antennes de la RTBF. “En Belgique, les téléspectateurs ont l’habitude de presque tout voir et ils se braquent plus rapidement sur ce qu’ils n’ont pas. Pourtant j’estime que la RTBF est dans le train du sport, tout en gardant la maîtrise de son budget et une logique saine. Les chaînes françaises paient plus pour proposer moins.” En outre, Michel Lecomte assure que contrairement à ce que l’on croit souvent, les droits télévisuels ne sont pas en pleine explosion. “On négocie d’ailleurs certains contrats à la baisse pour pouvoir réinvestir ailleurs.”
Au cœur de cette quête vers une meilleure visibilité de sports parfois considérés comme “de niche”, s’est inscrit un nouvel acteur, la plateforme Auvio. Car si cela arrive parfois, il est difficilement concevable de multiplier les diffusions sportives simultanées sur La Une et sur La Deux. Auvio se mue dès lors en solution miracle. “Il s’agit effectivement d’un outil exceptionnel. L’audience est moins importante mais elle satisfait certains mordus qui ont aujourd’hui accès à des événements plutôt verrouillés auparavant.” Vu le nombre de sports dans lesquels nos athlètes sont occupés à exceller - football, basket, hockey, gymnastique, athlétisme…-, la volonté de les mettre en lumière et la multiplication des plate- formes, ceux qui déplorent l’omniprésence des programmes sportifs n’ont pas fini de râler.