Marina Hands dans "Mytho": "Je rêvais d’un projet comme celui-là"

Dans la nouvelle série d’Arte, Mytho (disponible en intégralité sur le site de la chaîne), l’actrice française incarne une mère de famille dépassée qui invente un énorme mensonge. Une fiction surprenante et rocambolesque.

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Comédie dramatique au ton et à la mise en scène unique, Mytho (prix du public au festival Séries Mania) est née de la plume d’Anne Berest, inspirée par sa propre vie de famille. Ayant grandi dans une tribu recomposée de six enfants âgés de 3 à 25 ans, elle accouche du scénario de Mytho après quatre années d’écriture. Le script tombe dans les mains de Fabrice Gobert (Les revenants, Simon Werner a disparu) qui tombe immédiatement amoureux de cette histoire. Celle d’une famille de trois enfants où la mère, Elvira (Marina Hands), jongle entre son travail, les courses, les corvées ménagères, les caprices des mômes et un mari loser (Mathieu Demy).

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Après une énième journée insurmontable, cette quadragénaire craque et, sur un coup de tête, s’invente une tumeur au sein. Plutôt que de plonger dans le désarroi, sa famille se ressaisit et retrouve une harmonie qu’elle pensait perdue à tout jamais. Face à ce curieux bouleversement positif, Elvira ne peut plus faire marche arrière et se laisse emporter par son mensonge. Pour camper ce rôle particulier, le choix de l’équipe s’est rapidement porté sur Marina Hands, plutôt connue au grand écran (Lady Chatterley, Ne le dis à personne). “J’avais envie de travailler avec Marina depuis longtemps. Je sentais qu’elle était susceptible d’être l’Elvira qu’on fantasmait tous: un personnage capable d’être extrêmement sombre et de basculer en même temps vers quelque chose de léger et surprenant. C’était évident que c’était elle”, explique Fabrice Gobert lors d’une rencontre presse au festival Séries Mania.

© Prod

Planté dans un décor de banlieue pavillonnaire à la Desperate Housewives, Mytho jouit d’une mise en scène maîtrisée où humour et drame se mêlent à la perfection. “Anne et moi avons tous deux vécu dans des banlieues de ce type pendant notre enfance. Ce sont des endroits fascinants, car c’est à la fois très rassurant, on s’y sent entre soi, et terrifiant, on a l’impression que les voisins nous observent. On peut basculer d’une ambiance très familière à quelque chose d’étrange et d’oppressant”, poursuit le réalisateur. 

À partir du mensonge d’Elvira, Mytho s’amuse à déloger les petits et grands bobards qu’on dresse entre soi et les autres, le tout dans un univers romanesque. Les rôles des enfants sont particulièrement bien écrits et modernes, reflétant par exemple la remise en cause des genres (le fils de la famille s’identifie en tant que femme sans que cela devienne un sujet de débat). Parmi ces personnages décalés, Marina Hands, Prix d’interprétation féminine à Séries Mania, montre à la fois une grande sensibilité et une ténacité certaine. 

Qu’est-ce qui vous a particulièrement attirée dans ce projet?

MARINA HANDS - Le fait qu’on puisse très vite penser que c’est une mauvaise femme. En fiction, c’est compliqué de trouver des personnages féminins avec des aspérités et des complexités. On juge beaucoup plus facilement une femme qui a des zones d’ombre ou qui n’est pas forcément une victime. Je suis attirée par ce type de profil: une femme qu’on pourrait juger tout de suite, sur des aspects moraux, éthiques. J’ai tout de suite envie de la défendre. Dans les projets dans lesquels je me suis beaucoup investie, il y avait toujours cette notion-là: incarner des figures féminines qu’on pourrait malmener, mal juger, et essayer de faire bouger les lignes à cet endroit-là. Elvira fait un mensonge horrible. On pourrait très vite se dire: “Quelle horreur, mauvaise femme, mauvaise mère, mauvaise épouse”, mais moi je me suis dit: “Ça, c’est pour moi!”

Vous ne craigniez donc pas la réaction du public vis-à-vis de ce personnage?

Non. Via des rôles que j’ai incarnés quand j’étais beaucoup plus jeune, j’ai vu des gens très choqués par la prise de liberté d’une femme, le fait qu’elle sorte des codes moraux. Ça m’a énormément marquée quand j’ai démarré ma carrière d’actrice. Je me suis vite demandé pourquoi, pour certains, les choses sont plus choquantes dans la fiction que dans la vie. J’avais l’impression que les gens allaient voir sur grand écran quelque chose qu’ils connaissent parfaitement bien, et pourtant le jugement était plus dur. J’ai envie de faire en sorte que, si le spectateur est déstabilisé par une situation, il puisse se remettre en question, avoir plus d’empathie pour lui-même et pour les gens autour de lui. J’aime jouer avec ces matières-là. Ici, le mensonge devient aussi positif pour les autres, ils ont envie que ce mensonge existe. C’est tellement subtil, et honnêtement cela faisait des années que je rêvais d’un projet comme ça. Ce type de personnage à multiples facettes est très rare.

Comment l’avez-vous exploré en profondeur?

Grâce au temps et à la longueur du tournage, mais aussi le fait de pouvoir collaborer avec l’équipe, de ne pas être juste un pantin aux mains du réalisateur, de pouvoir donner mon avis sur la scène. Au bout de deux mois, quand on est dans les chaussures d’un rôle, on commence à avoir son mot à dire. Je me suis sentie utile, moins manipulée, et j’adore ça. Toutes les conditions étaient réunies pour que j’aie envie de travailler durant des mois avec eux. 

Qu’est-ce qui vous a le plus marquée à la fin du tournage?

L’évolution des personnages. Souvent dans les séries, ils ne sortent pas vraiment du cadre qu’on leur a donné au début. Ici, dans le déroulé de la série, il y a des choix faits sur l’évolution de chacun. C’est un effort que je trouve super important pour que le spectateur soit attaché à chaque personnage. Ils vont évoluer, un peu comme nous dans la vie. Parfois, les séries, même celles de grande qualité, peuvent être très systématiques dans leur construction. C’est bien de l’être au niveau de la mise en scène et de l’identité visuelle, mais pas pour les personnages. Sinon, on se retrouve avec des profils types: celle qui pique tout le temps une crise, celui qui rigole tout le temps… Ici, ce n’est pas le cas, et c’est rafraîchissant.

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