Hélène et les garçons, Dorothée,... La success story de la génération sitcoms

Il y a 30 ans, AB Productions provoque un tsunami de rires en boîte avec ses fictions ados. Un documentaire revient sur cette production industrielle que beaucoup chérissent encore.

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C’est toute une génération qui a été biberonnée à la sitcom – ”situation comedy”, soit une série drôle (ou prétendue telle) dont chaque épisode dure moins d’une demi-heure, tournée dans des décors identiques, ponctuée de rires préenregistrés. Hélène et les garçons, Le miel et les abeilles, Premiers baisers, La philo selon Philippe… ne sont que quelques chefs-d’œuvre parmi les vingt-cinq signés par la société créée par Jean-Luc Azoulay et Claude Berda, AB Productions qui, entre 1987 et 1997, se transforme en machine de guerre télévisuelle. Une success-story sur laquelle revient Olivier Monssens dans son documentaire, Dorothée, Hélène et les garçons: génération AB Productions.

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Associés, Azoulay et Berda se lancent dans la production de disques en 1976. Leur rencontre avec Dorothée, alors animatrice sur France 2, les sort  de l’anonymat. Ils l’accompagnent dans l’aventure Récré A2, gérant sa carrière musicale et produisant des séquences pour son émission. La privatisation de TF1 en 1987 les propulse sur le devant de la scène comme le souligne Olivier Monssens. “Le groupe Bouygues avait acheté une chaîne télé mais n’y connaissait rien en termes d’émissions jeunesse, explique le réalisateur. Il a donc proposé un contrat à AB Productions et Dorothée. C’est le début du Club Dorothée.” Très vite, Jean-Luc Azoulay et Claude Berda y testent leur première fiction, Pas de pitié pour les croissants. Un succès qui en appellera d’autres…

27 heures par semaine

Inspirés par le modèle américain – Madame est servie, Arnold et Willy sont les mètres étalons de l’époque  -, le duo importe le concept de sitcom en France qui connaît déjà Maguy mais n’a encore proposé aucun projet destiné à la jeunesse. AB Productions s’engouffre dans la brèche et vend à TF1 Salut les musclés avant de décliner l’objet à toutes les sauces et sous toutes les formes: Les filles d’à côté, Pour être libre. Un phénomène télé qui profite à tout le monde comme l’explique Olivier Monssens. “TF1 était obligée de diffuser des programmes pour la jeunesse et faisait passer ces sitcoms pour telles, poursuit-il. Un business intéressant puisque non seulement les enfants et les ados regardaient, mais aussi les parents… Ce qui leur permettait d’injecter un maximum de publicités entre les différentes séries.”

Un joli pactole quand on sait qu’au faîte de sa gloire, AB Productions diffusera jusqu’à 27 heures de programmes hebdomadaires. Quant aux profits, la société de production n’est pas en reste… Toujours productrice de musique, elle bénéficie de la célébrité croissante de Dorothée et d’Hélène, artistes du label AB, et n’hésite pas à placer des extraits musicaux dans ses propres sitcoms afin d’augmenter ses droits d’auteur. Sans oublier le merchandising incroyable pour l’époque. Olivier Monssens en sourit. “Entre les concerts, les DVD, le club, les magazines…Tout ce qu’il était possible de décliner, on le déclinait. Il y a même eu un parfum Hélène… Le tout était produit en interne. C’était une machinerie! Il  fallait que tous les compteurs tournent.

Rien ne semble arrêter le duo gagnant. Mais en coulisses, certains chez TF1 s’inquiètent qu’une partie aussi importante de la programmation soit confiée à un seul partenaire, d’autant qu’AB Productions, en situation de monopole, fournit également les dessins animés (la société les achète et les revend ensuite à la chaîne). Lorsque Azoulay et Berda envisagent de lancer leur propre bouquet satellite, TF1 – qui est sur le point de faire pareil avec TPS – les considère comme des concurrents et ne renouvelle pas leur contrat. La collaboration s’interrompt  alors que s’installe la nouvelle réglementation sur la publicité adressée aux enfants. Seul rescapé: Les vacances de l’amour qui restera encore une dizaine d’années à l’antenne – tout de même!

De leur côté, Azoulay et Berda proposent Un homme à domicile sur France 2 et Extra Zigda sur M6, mais la sauce ne prend plus. Ils finiront d’ailleurs par scinder leur société en 1999. Tandis que les sitcoms continuent à passionner les États-Unis et font évoluer leur style vers le haut (Friends, How I Met Your Mother, Big Bang Theory…), le phénomène s’essouffle chez nous et commence son doux parcours vers la nostalgie… Olivier Monssens parle, lui, de nostalgie décomplexée. “Il y a dix ans, dit-il, on en aurait parlé du bout des lèvres. Aujourd’hui, les enfants d’alors qui ont désormais la quarantaine osent dire que c’était bien, tout en n’étant pas dupes de ce qui y était proposé.”

Une nostalgie qui explique le succès des Mystères de l’amour, un des multiples spin-off d’Hélène et les garçons, diffusé chaque week-end sur TMC, attirant une moyenne de 800.000 téléspectateurs… La popularité des feuilletons d’aujourd’hui – Plus belle la vie, Un si grand soleil, Demain nous appartient – prouve que le genre a évolué et a encore des choses à dire, malgré une mécanique obligatoire: galerie de personnages, lieux de tournage récurrents… Les productions récentes se différencient – outre les moyens financiers mis à disposition –  par leur façon de mieux coller à l’actualité en abordant des thèmes qui traversent la société. Un point de vue absent des sitcoms d’avant, accusées d’être déconnectées de la réalité (qui se souvient d’avoir vu un personnage ouvrir un cours, regarder le JT ou se lever pour aller bosser?). Mais comme le souligne Olivier Monssens, “la jeunesse des années AB n’en avait rien à faire de la réalité. Ce qu’elle voulait, c’était rêver”.

Un documentaire à revoir ici

 

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