
Le jeune Ahmed

Le sujet, déjà abordé maintes fois depuis les attentats qui ont frappé la France et la Belgique, était casse-gueule. Comment parler d’un jeune musulman tombant dans le piège de l’intégrisme sans verser dans les redites ou les clichés liés à ce sujet sen- sible? Avec leur cinéma exigeant et motivé par l’urgence sociale, Luc et Jean-Pierre Dardenne ont su traiter cette thématique avec intelligence, se gardant bien de poser des jugements péremptoires, tout en suivant au plus près cet ado comme tant d’autres, que le discours sournois d’un imam salafiste va mener peu à peu sur le chemin de la haine. Mais au-delà de ce sentier de perdition, ce qui intéressait aussi les deux frères, c’était “de voir comment ce garçon pouvait sortir de la nuit, comment le décrocher de son imam, comme cherchent à le faire tous ceux qui s’occupent de lui, aussi dans la réalité”. Après Deux jours, une nuit et La fille inconnue, jugés moins réussis, les Dardenne ont eu le mérite de revenir à leurs fondamentaux dans Le jeune Ahmed: pas de star au générique et une belle économie de moyens. Ce qui permet d’apprécier d’autant plus la prestation des comédiens: le jeune Idir Ben Addi (Ahmed), mais aussi Myriem Akheddiou (la prof du jeune homme) et Othmane Moumen, bluffant en imam intégriste. Présenté à Cannes en 2019, où il aurait pu offrir une 3e palme d’or aux Dardenne (ç’aurait été inédit), le film en est reparti avec le prix de la mise en scène. Une énième récompense qui fait des frères les réalisateurs parmi les plus titrés du festival, les plaçant ainsi dans une situation singulière: Ken Loach se retrouvait lui aussi en lice pour une 3e palme avec Sorry We Missed You, coproduit par les Films du Fleuve, la société des… frères Dardenne. Preuve de leur contribution remarquable au septième art.
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