Anne-Sarah, porte-voix d'une jeunesse engagée

Elle est de retour. Après avoir fait ses adieux à Tarmac, Anne-Sarah rejoint la famille Check où elle décortique l'actualité et la culture, avec toujours cette envie d'éveiller les consciences des jeunes, et moins jeunes. Rencontre.

Anne-Sarah rejoint la famille Check © JabJah Prod

Anne-Sarah fait figure d'exception dans le paysage médiatique belge. Rares en effet sont les présentateurs et présentatrices qui parlent de faits d'actualité avec une pointe d'humour et de militantisme. Encore plus rares sont ceux qui le font en s'adressant particulièrement aux jeunes, génération oubliée des médias traditionnels. Sa génération. À 25 ans, la chroniqueuse rassemble toutes ces qualités. Découverte dans l'émission Izi News sur Tarmac, avec des capsules à la fois courtes et instructives, elle dénonce les injustices de notre société et, par la même occasion, cloue le bec à celles et ceux qui disent que « les jeunes d'aujourd'hui » ne s'intéressent à rien et passent leur temps devant les jeux vidéo ou Les Marseillais. « C'est quand on m'a donné accès à cette plateforme que je me suis rendu compte que j'avais plein de choses à dire. J'ai aussi un avis. Comme tout jeune, je vois des gens parler à notre place. Je ne dis pas que je représente tous les jeunes, mais je me sens plus proche d'eux, je comprends les questionnements qu'ils peuvent avoir, leurs attentes des médias et du reste du monde », explique Anne-Sarah, récompensée par Amnesty International pour son travail. En mars dernier, la jeune femme a déchiré le cœur de ses fans en annonçant officiellement que son chapitre à la RTBF était clos. « Ce n'est que le début de l'aventure », rassurait-elle dans sa vidéo d'adieu.

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Trois mois plus tard, la suite de son histoire est enfin connue. Anne-Sarah débarque sur Check et retrouve ainsi son « dada », la culture. Elle animera un nouveau concept intitulé #FactCheck. « Comme son nom l'indique, on va vérifier des informations et des faits, en apportant un regard pertinent, drôle, moderne sur différentes thématiques. Il va à la fois y voir des sujets culturels et des sujets de société », explique le rédacteur en chef Martin Vachiéry, très heureux de compter dans son équipe « cette nouvelle voix d'une jeunesse plus éveillée que jamais ». Avec ce nouveau rendez-vous hebdomadaire, le média axé rap veut apporter un éclairage différent sur l'actualité. « On ne peut pas se contenter de parler de musique et de faire abstraction de ce qu'il se passe autour », rectifie le journaliste bruxellois.

« Comment ne pas être raciste. Genre... vraiment ! »

Avec #FactCheck, Anne-Sarah a « carte blanche ». Et pour sa première vidéo, elle a choisi un sujet plus que jamais d'actualité: l'anti-racisme. La mort de George Floyd a créé un séisme mondial, obligeant la Belgique a examiné son passé colonial. Ce mardi, à l'occasion du 60e anniversaire de l'indépendance du Congo, le roi Philippe a d'ailleurs exprimé ses regrets « pour les actes de violences et de cruauté commis, qui pèsent encore sur notre mémoire collective ». Une première étape avant des excuses officielles?

« Est-ce que cet éveil va être sur le long terme? » s'interroge-t-elle. « Il ne faut pas juste mettre un carré noir sur les réseaux sociaux, mais vraiment chercher à être antiraciste. C'est la même chose pour d'autres questions importantes dont on ne parle pas comme le validisme », affirme celle qui est aussi intéressée par les thématiques LGBT+. « On doit mettre en avant toutes ces problématiques et remettre la question de norme à la page. »

Suite à cette première vidéo, Anne-Sarah a reçu une avalanche de messages sexistes et racistes. « Ça prouve l'importance de ce type de contenus », remarque-t-elle. C'est aussi la preuve qu'« on a encore un long chemin à parcourir avant que cela avance ». « En Belgique, on n'arrive pas encore à dire ou entendre "Noir" dans la bouche des gens. Cela sonne comme une insulte, ça semble avoir une connotation négative, alors les gens disent tout le temps "black". On n'est pas aux States! Pourquoi ma couleur de peau serait quelque chose de négatif? C'est là qu'on se rend compte que tout ce passé colonial est encore ancré dans notre éducation et qu'il faut décoloniser nos esprits. »

Ses vidéos, son exutoire

À propos des médias, Anne-Sarah pointe leur part de responsabilité dans ces débats, et donc dans la manière dont le public perçoit ces problématiques. « Les médias choisissent qui ils invitent sur leur plateau, les personnes qui vont témoigner et l'angle de l'information », pointe-t-elle. C'est une raison pour laquelle elle a décidé de donner son avis. « Parce que j'en ai ras le bol et parce qu'on ne me le demande jamais: en tant que jeune, en tant que femme et en tant que personne racisée. Quand on parle de racisme, de sexisme ou encore de hijab, on voit toujours que des blancs et des hommes autour de la table. » Au fur et à mesure, elle a réalisé que c'était « son exutoire ». « Je pouvais enfin tout lâcher et je me suis rendue compte que ça touchait d'autres gens qui ressentaient la même chose et ne se sentaient pas représentés dans les médias », explique-t-elle, ajoutant qu'elle ne devrait pas être la seule à représenter la voix des jeunes. « En plus, à un moment donné, je vais devenir trop vieille », plaisante-t-elle.    

Comment perçoit-elle alors son avenir? « Mon rêve ultime serait de pouvoir travailler avec une équipe diversifiée, créer peut-être un média tous ensemble où cette notion de diversité n'existera plus, ce sera la norme. »

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