La revue Q cesse de paraître, la presse musicale en péril

Le magazine musical anglais Q n'a pas résisté à la crise du Covid. C'est l'arbre qui dévoile une forêt bien mal en point.

Après 34 ans de bons et loyaux services, Q tire sa révérence - Q

« La pandémie nous a eu et il n'y a rien à faire contre ça », a expliqué Ted Kessler, rédacteur en chef de Q qui cessera donc de paraître cet été, après un ultime numéro qui paraîtra le 28 juillet. Né en 1986, ce mensuel était pourtant un poids lourd du paysage de la presse musicale. Mais voilà, il n'a pas échappé à la crise qui frappe le secteur depuis le début des années 2000, période de grands changements qui a vu l'irruption d'internet, la chute des ventes de disques et la perte de l'hégémonie du rock n' roll comme vecteur social d'une jeunesse anticonformiste. Le coronavirus a été le dernier clou du cercueil.

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«Nous avons été une équipe très allégée pendant tout l'exercice de mes fonctions, utilisant de nombreux moyens pour tenir la tête hors de l'eau dans un marché de la presse papier extrêmement difficile, développe Ted Kessler dans l'ultime edito du magazine. La Covid-19 a balayé tout cela. Je m'excuse profondément d'avoir échoué à maintenir "Q" à flot ». Les ventes du magazine avaient chuté dramatiquement en vingt ans, passant de 200.000 au début des années 2000 à un tirage de 28.000 ces derniers temps. Des chiffres qui reflètent l'état de la presse musicale.

Presse musicale cherche futur

Aux Etats-Unis, le mythique Rolling Stone a été revendu par la famille Wenner à Penske Media Corporation en 2017 après cinquante ans de bons et loyaux services. En Angleterre, le plus vieux magazine de rock, le NME, est devenu une feuille de chou gratuite en 2015 pour ne plus être disponible qu'en ligne trois ans plus tard. Long Live Vinyl, lui aussi anglais, n'est également plus disponible que sur le net.

En France, la situation est tout aussi inquiétante. Le magazine pop Magic a été sauvé de justesse en 2016 tandis que les Inrockuptibles, fer de lance du bon goût il n'y a pas si longtemps, a vu ses ventes chuter de 60.000 en 2012 à 30.000 aujourd'hui. Il a même cessé de paraître durant les mois de confinement. En Belgique, le gratuit Rif Raf a cessé de paraître il y a quelques années (pour ressusciter un temps uniquement en Flandres). Larsen, le magazine musicale de la Fédération Wallonie-Bruxelles, a en quelques sortes pris le relais.

Rolling Stone

Victime d'internet et de la mort du disque

La presse musicale, ultra populaire dans les années 70, 80 et 90 (au point de donner naissance à un style littéraire, les rock critics) subit de plein fouet les changements de société apparu au début des années 2000. Avant internet, les stars de la musique enchaînaient les interviews pour la presse papier. Après internet, et encore plus avec les réseaux sociaux, ils n'en ont plus besoin. La communication avec les fans se fait en direct, sans intermédiaire, ou presque. La presse musicale subit aussi les mêmes soubresauts que l'industrie musicale : les maisons de disque ont moins de poids, le live est devenue la principale source de revenus des musiciens, il ne s'agit plus de vendre des CD...

Le streaming musical a, de son côté, fait explosé le nombre de sorties de disques, augmentant sensiblement le nombre de niches musicales. Le paysage musical est devenu un vrai kaleidoscope où, mis à part quelques stars inatteignables, plus personne ne fédère véritablement. Des blogs spécialisés se sont ainsi multipliés, certains prenant le relais des vieux titres de la presse papier (notamment l'américain Pitchfork qui a un lectorat international). Bref, la presse musicale souffre. Et les vieux titres tombent les uns après les autres.

Les derniers résistants

Ceux qui tiennent le mieux s'appuient sur de fidèles lecteurs de l'ancien temps, celui de l'âge d'or (Rock & Folk, qui s'est retranché derrière le rock classic, tire toujours à 30.000 exemplaires). D'autres sur leur niche musicale (Tsugi et Trax, spécialisés dans l'electro). L'autre mouvement se fait vers une ouverture vers des sujets de société ou politique (Rolling Stone, Inrocks). Mais tout cela est très fragile, comme toute la presse papier.

Des passionnés continuent pourtant de maintenir la flamme. De nouveaux titres voient le jour comme Gonzaï qui a commencé sur la toile pour devenir un magazine « à l'esprit rock » il y a quelques années. Et puis, toujours, sur internet, certains sont beaucoup trop passionnés pour lâcher l'affaire. On citera les équipes de Goûte Mes Disques ou de Subbacultcha en Belgique qui maintiennent en vie l'esprit d'une presse underground qui reste sur le front, quoiqu'il arrive.

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