
La fabrique de l’ignorance

Diffusion le 23 février à 20h50 sur Arte
Les multinationales sont régulièrement assimilées à des Goliath dans des combats gagnés d’avance et taper dessus est à la mode. Mais elles doivent reconnaître que, souvent, c’est à raison. La preuve par les deux docus diffusés mardi soir sur Arte.
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Le premier interroge un concept méconnu: l’agnotologie. Soit, littéralement, la science de la “production d’ignorance”. Jamais entendu parler? Il est pourtant tous les jours mis en pratique, partout et dans presque tous les domaines. Le plus célèbre des exemples concerne l’industrie du tabac. Les risques de la cigarette sont aujourd’hui connus et reconnus, mais il a fallu plusieurs dizaines d’années pour qu’ils s’imposent dans l’inconscient collectif. Et cela n’a rien d’un hasard. Une fois passé l’âge d’or de la publicité, c’est la science qui a pris le relais. Pendant qu’une certaine science s’attelait à prouver l’aspect nocif du tabac, elle devait en parallèle nager contre les vagues de désinformation crédibilisées par d’autres études scientifiques… commandées par les industriels. C’est là qu’est née l’agnotologie. Sur les cendres d’un débat inaudible, où les fausses informations, considérées comme des références, sont téléguidées par ceux qui ont les moyens de les produire et les diffuser. Depuis le cas d’école que constitue le tabac, de nombreux enjeux essentiels doivent composer avec ces fausses études scientifiques venues tromper l’opinion publique et troubler la notion de vérité. Dérèglement climatique, perturbateurs endocriniens, pesticides, aliments ultra-transformés… Une problématique à comprendre absolument à l’heure des réseaux sociaux et de la polarisation des opinions. Tout cela brillamment mis en récit (comme toujours avec Arte) par deux journalistes français, Pascal Vasselin et Franck Cuveillier, qui voyagent aux quatre coins du monde pour dévoiler les pratiques plus que dangereuses d’une poignée d’industriels.
Le second reportage ne rend pas plus foi dans l’humanité, puisqu’il revient sur le scandale du Dieselgate. Pour rappel, en 2015, Volkswagen finissait par reconnaître, comme un enfant pris la main dans un paquet de cookies vide et du chocolat au bord des lèvres, qu’elle avait truqué les résultats des performances énergétiques de plus de onze millions de véhicules. Six ans plus tard, personne n’a payé. Mais des hommes, ingénieurs, clients ou avocats, en ont fait le combat de leur vie. Car les multinationales ne peuvent pas toujours gagner.