

Les images de John Lennon esquissant pour la première fois sur son piano blanc la mélodie dépouillée d’Imagine alors que Yoko Ono vient s’asseoir amoureusement à ses côtés sont archiconnues. On les revoit néanmoins avec beaucoup d’émotion dans ce portrait réalisé en 2018 par Michael Epstein. À défaut d’un regard neuf, Epstein a le mérite d’enrichir son propos de nombreuses archives inédites et d’interviews récentes, à commencer par celles de Yoko Ono et de Julian, fils aîné que John a eu avec sa première épouse Cynthia Powell.
Epstein prend pour ossature de John & Yoko l’enregistrement du deuxième album solo de Lennon “Imagine”. Nous sommes à l’été 1969. Une époque charnière. Si le couple s’est isolé alors dans la campagne anglaise dans la propriété finalement très artisto que John a acquise à Tittenhurst Park, près d’Ascot, il ne peut rester insensible au monde extérieur. Les Beatles sont sur le point de se séparer, la presse anglaise en tient pour responsable la “diabolique” Yoko Ono avec des commentaires à relents racistes. Il y a la guerre au Vietnam, des bombardements civils au Cambodge, des manifs à New York, de la colère sur les campus universitaires.
Tout en vivant leur amour fusionnel, John et Yoko s’inspirent de ces événements pour composer ce qui reste le chef-d’œuvre solo de Lennon. Sur ce disque, qui sera numéro 1 aux États-Unis et en Angleterre à sa sortie en 1971, Lennon chante Ono (Oh My love, Oh Yoko!, Jealous Guy), fustige le pouvoir politique (Give Me Some Truth) et règle ses comptes avec Paul McCartney (How do You Sleep?). Bambin innocent à l’époque, Julian Lennon revient avec beaucoup de pertinence sur ses souvenirs d’Epcot et le rapport difficile qu’il entretenait avec son père. Quant à Yoko, fatiguée de la campagne anglaise, elle poussera ensuite John à s’installer définitivement à New York, ruinant ainsi les derniers espoirs des fans des Beatles.