Dan Gagnon quitte la RTBF : « Je préfère respecter mes valeurs profondes »

Après sa chronique incendiaire sur le Mondial au Qatar, l’humoriste Dan Gagnon a quitté la RTBF. Le chroniqueur de l’émission « Le Réveil de Tipik » revient sur son départ de la chaîne publique et nous parle de sa vision de l’humour.

Dan Gagnon
L’humoriste quitte la RTBF © Dan Gagnon

Il y a deux semaines, Dan Gagnon visait la RTBF dans l’une de ses chroniques en critiquant le choix de la télévision publique de diffuser la très polémique Coupe du Monde au Qatar : « Je me suis demandé si c’était déplacé pour moi de parler de ça ici. Puis je me suis dit ‘Si pour la RTBF, 6.500 morts, ça passe, alors, j’ai de la marge. Je pourrais encore tuer 6.499 personnes et revenir à l’antenne la semaine prochaine, easy », déclarait-il durant l’émission en relayant le nombre de décès, relevé par The Guardian.

Nos dernières vidéos
La lecture de votre article continue ci-dessous

Selon l’humoriste, la chaîne lui aurait fait comprendre que « c’était compliqué » : « Ils ont fait comme si de rien n’était. Ils ont stalinisé la chose. C’est leur stratégie », affirmait-il à propos de son absence de l’émission ce lundi. Mais la virulence de sa chronique ne serait pas la cause de son départ : « Beaucoup de gens ont pensé que j’ai été viré, ce n’est pas le cas », nous dit-il. Ce serait les conditions de son contrat avec la RTBF qui seraient à l’origine de sa démission : « On s’était rapidement mis d’accord sur les conditions de mon contrat cet été. Au fil des semaines, il a fallu négocier la convention complète et on a coincé sur la confidentialité de mon salaire », explique l’humoriste. « C’était important pour moi que mon salaire ne soit pas confidentiel, car c’est le seul levier que nous avons, indépendants, pour les faire augmenter. Je ne voulais pas garder ça secret par rapport aux autres chroniqueurs qui méritent de savoir combien je gagne. S’il y en a un qui est meilleur que moi, c’est normal qu’il gagne plus ».

A lire aussi : Dan Gagnon quitte la RTBF: comment l’humoriste est tombé en disgrâce

Dan Gagnon regrette toutefois les conditions de son départ, qui s’est fait sans annonce officielle : « J’ai dit qu’ils avaient stalinisé la situation car Staline supprimait les gens des photos officielles. Ici, ils n’ont pas parlé de mon départ, je vais juste disparaitre de la chaîne ». Malgré son départ soudain, l’ancien chroniqueur reste positif pour la suite. Il revient sur sa vision de l’humour parfois militante et ses projets d’avenir.

Quelle est votre vision de l’humour aujourd’hui ? Elle a évolué depuis vos débuts en Belgique... Il y a-t-il eu un événement déclencheur ?

Je suis un fan d’humour et de Stand-up. Et dans les Stand-ups, ça change chaque année. Il y a des modes, un peu comme dans n’importe quelle forme d’art. Dans les cinq dernières années, il y a eu une libération de la parole et je pense que l’on peut dire beaucoup plus de choses en étant suivi par le public aujourd’hui. Le mouvement MeToo n’a fait tomber personne en Belgique. La coupe du monde en Russie n’a pas fait autant de bruit que le Mondial au Qatar. Ceux qui ont envie de défendre certaines causes, de se battre contre les intouchables, ont beaucoup plus de prise qu’avant. Si tu veux faire de l’humour engagé, tu es obligé de parler de ces choses-là de temps en temps.

Est-ce que l’humour est en train de devenir militant ?

L’humour a toujours été militant… et en même temps con et oppressif. Il a toujours été plein de choses. Il n’y a pas d’unité chez les humoristes. Dans les années 70, Georges Carlin parlait déjà du droit à l’avortement alors que d’autres faisaient des blagues sur des sujets plus légers. Les sujets changent mais les possibilités de se mouiller ou pas sont les mêmes qu’avant.

Comment prendre de la distance avec le "politiquement correct" ? 

Si quelqu’un est dans une position défavorable par rapport à toi, ne fais pas de blague. Tu n’es pas un bon humoriste si tu dois taper en dessous de toi pour faire rire. Rire de plus faible que soi normalise des comportements graves qui ne sont pas sans conséquence.

Pourquoi ressentez-vous aujourd’hui le besoin de critiquer la société dans vos sketchs et chroniques ?

Je pense que c’est le fait de vieillir et d’être moins centré sur moi-même. Je me suis dit que j’avais travaillé dur pour en arriver là mais je me suis rendu compte que je restais privilégié. Je parle de ces sujets car ils me touchent personnellement. Si la RTBF diffuse le Mondial au Qatar et dit qu’elle assume, je me moque qu’elle soit vexée par ma chronique. Je préfère respecter mes valeurs profondes et ce en quoi je crois.

Quels sont vos plans pour la suite ?

Je suis en train d’écrire un nouveau spectacle et j’écris aussi beaucoup pour d’autres artistes. Le spectacle sera dans la même veine que les chroniques sur la RTBF. C’est le fruit de cinq ans de réflexion. J’ai arrêté le stand-up il y quatre-cinq ans, j’ai pris le temps d’avoir quelque chose à dire avant de reprendre le micro.  J’ai aussi commencé à faire des lives sur Intagram et sur Twich et j’ai adoré ça, je vais continuer ! Je compte bien profiter du fait que l’on soit en 2022. Aujourd’hui, les humoristes n’ont plus besoin d’un soutien médiatique pour exister.

Débat
Sur le même sujet
Plus d'actualité