

Paradoxe. Alors que la fiction, belge y compris, subit de plein fouet la crise sanitaire qui provoque une cascade d'annulations (festivals, sorties, tournages...), l'audiovisuel belge voit cette semaine s'écrire une nouvelle page de son histoire. Car la plate-forme américaine Netflix a choisi ce vendredi pour sortir Into The Night, sa première série originale belge. Chez nous, ainsi simultanément dans 189 autres pays, la série ayant été doublée (ou traduite) dans ...27 langues!
Tournée l'an dernier, entre la Belgique, la Bulgarie surtout - dans l'un des plus grands studios du continent, où s'est tourné le dernier Rambo - la Macédoine et les Pays-Bas, cette série apocalyptique, dans un format et un genre totalement inhabituels chez nous, retrace le destin d'une poignée de femmes et d'hommes qui, pour fuir le lever du soleil et avec lui une mort certaine, sont contraints de rester toute une nuit dans l'avion de ligne dans lequel ils ont embarqué pour la Russie. Pendant que sous eux, règne un chaos mondial (tiens donc...), ce qui nous emmène bien dans du fantastique pur.
Majoritairement belge mais initié par Jason George (Scandal, Narcos), ce huis-clos apocalyptique en 6 épisodes de 40 minutes a été réalisé par un duo flamand expérimenté dans le genre (Inti Calfat & Dirk Verheye, la série Over Water). Il compte sur une ossature belge (Jan Bijvoet, Laurent Capelluto, Pauline Etienne, Babetida Sadjo, Astrid Whettnall...), complétée par une poignée de comédiens étrangers (Stefano Cassetti, Alba Gaïa Bellugi, Mehmet Kurtulus...). Un mix international atypique donc, où se mélangent pas mal d'accents différents.
Verdict? Ambitieuse et bel et bien hors-norme, surprenante voire tendue, Into The Night remplit son contrat de divertissement, attestant d'un certain potentiel et détenant les atouts pour séduire un public, notamment celui adepte au genre ou déjà rôdé aux séries. En faisant abstraction de la crédibilité du récit – la série, clairement axée science-fiction, est adaptée d'un roman polonais, The Old Axolotl, de Jacek Dukaj -, chacun peut tout à fait se laisser emporter et suivre les aventures aussi improbables qu'extrêmes de ce petit groupe de passagers. Sans dévoiler trop de l'intrigue, le dénouement laisse même d'ores et déjà présager une suite. Tout dépendra, évidemment, des audiences de cette première saison...
En 2013, lors de la conférence qui annonçait la création de séries belges par la RTBF (avec la Fédération Wallonie-Bruxelles), Jean-Paul Philippot, l'administrateur de la chaîne publique, avait déclaré, avant que naissent La Trêve, Ennemi Public (dont la production, Entre Chien et Loup, chapeaute aussi Into The Night) ou Unité 42: "Pour qu'à long terme fonctionnent les séries sur notre territoire comme c'est le cas en Flandres depuis de nombreuses années, la RTBF seule n'y parviendra pas: il est indispensable qu'il y ait de la concurrence!"
Sept ans plus tard donc, nous y voilà. Netflix, fort de ses 180 millions utilisateurs dans le monde et ayant désormais un bureau à Bruxelles, promet déjà d'autres projets de séries ou de longs-métrages. Puisse l'arrivée de ce "guichet" supplémentaire être aussi saine que bénéfique, tant pour l'ensemble du secteur (ainsi que pour les auteurs, les comédiens, les producteurs, les techniciens...) qu'évidemment, pour le public. Seule l'histoire le dira...