Persuasion de Netflix, une version édulcorée sans charme ni esprit

Disponible sur la plateforme du géant du streaming américain depuis le 15 juillet, cette énième adaptation du classique de Jane Austen ne convainc pas. Malgré une Dakota Johnson touchante et de jolis décors, le film perd rapidement de son souffle.

Persuasion
© Netflix

Plus de 200 ans après la parution à titre posthume de Perusasion de Jane Austen, publié en 1818, le classique de la littérature anglaise s’offre une nouvelle jeunesse. Après avoir fait l’objet de deux séries et de deux téléfilms produits par la BBC et ITV entre 1960 et 2007, Persuasion revient sur le petit écran.

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Comparé à la prolifération des Emma sur grand écran, à la multiplication des Orgueil et préjugés, l’ultime œuvre d’Austen apparait comme le petit poucet de l’univers austennien. Et dans ce vide relatif s’engouffre Netflix, qui propose une version prête à consommer par toute la famille, sous forme de long-métrage.

« Anne Elliot, dont l’histoire a été maintes fois mise en scène, vit depuis huit ans avec un immense regret : celui d’avoir éconduit, sous la pression de sa famille, Frederick Wentworth, un séduisant officier de marine appartenant à la bourgeoisie snob et désargentée de ce début de XIXesiècle. Celui qui était jadis trop pauvre, trop roturier, revient enrichi – et à marier – dans le village de la sœur d’Anne, ce qui ne manquera pas de déstabiliser la jeune femme. »

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Entre adaptation fidèle et modernisation, il faut choisir

Dès les premières minutes du film, on sent le hic. Même si les décors et les costumes nous transportent, le langage, lui, ne ment pas. Nous ne sommes pas dans une adaptation fidèle de l’œuvre. Voulant s'éloigner d'un film historique trop classique, la réalisatrice Carrie Cracknell a décidé, probablement avec l'aide de Netflix, de moderniser le récit vieux de plus de 200 ans écrit par Jane Austen.

Le langage s’y trouve donc édulcoré, simplifié, dénué d’esprit. Les nombreux dialogues semblent presque tomber à plat et le spectateur est (trop) pris par la main pour comprendre les rouages d’une histoire pourtant vieille comme le monde.

Après cette première déception, vient la surprise. Anne (Dakota Johnson) brise le 4e mur, se la joue fleabag et commente l’action. Ces passages marqués par la fougue de l’actrice qui n’est pas sans rappeler celle d’Elizabeth Bennet portée par Keira Knightley, semblent tenter de sauver le bateau. Manque de bol, dès la quatrième utilisation de ce stratagème (qui sera bien trop présent tout au long du film) cela perd de son souffle, et le navire chavire…

Ainsi, tout au long des 107 (longues) minutes du film, Les touches de modernité sont incrustées avec tant de parcimonie qu'on s'interroge sur l'intérêt même de cette modernisation en demi-teinte. Surtout que les problématiques évoquées par le roman, à base d'amour, de jalousie, de condition des femmes et de faillite, sont universelles et donc, par essence, toujours d'actualité.

Entre l'adaptation pure et dure et l'actualisation, le choix ne semble pas avoir été fait. Et on comprend, choisir c’est renoncer. Mais de ce manque de parti pris résulte des dialogues étranges qui empêchent une adhésion totale à l'histoire et des séquences assez gênantes, comme celle où Anne crie par la fenêtre pour attirer l'attention de son "ex", une attitude décidément pas très régence anglaise et un film en demi-teinte.

Un casting qui manque de charisme

Autre ombre au tableau, et pas des moindres, le cruel manque de charisme de notre cher Frederick Wentworth. Jane Austen a ce subtil art d’entrelacer dans ses œuvres une puissante critique sociale et une passion dévorante. (Darcy et Elizabeth détiennent indéniablement la palme en la matière).

Mais ici, l’histoire d’amour, censée être au centre de l’intrigue et l’élément principal de la narration ne provoque pas la moindre émotion. Aucun frisson à l’horizon.

Le Capitaine Wentworth, incarnation même du héros bienveillant, manque tellement de charisme qu'on se demande pourquoi le personnage féminin lui vaut une telle dévotion.. Et l'autre personnage masculin, William Eliott, doté d'atouts physiques indéniables et censé représenter la tentation, n'est pas mieux loti.

Des fans pas convaincu

Carrie Cracknell avait tenté de s’expliquer avant la sortie de son film dans une interview accordée à IndieWire : "C’est très important pour moi que le film illustre tout le désir, le chagrin et la complexité de l’expérience d’Anne Elliot. J’ai essayé de calibrer cela soigneusement et de trouver une énergie plus anarchique et comique."

Coup manqué pour de nombreux fans selon lesquels : "Jane Austen doit se retourner dans sa tombe"...

"J’ai lancé Persuasion. Pourquoi ont-ils fait ça ? Je ne déteste pas mais ça n’a rien de chez rien à voir avec le livre. C’est littéralement Fleabag avec des costumes du début du 19eme siècle. Même les dialogues sont hyper modernes et l’héroïne est alcoolique", explique une internaute, déçue du résultat.

Même son de cloche chez une autre abonné de Netflix : C’est chouette de retravailler des textes, moderniser, proposer quelque chose de différent. "Mais autant se la jouer Bridget Jones et proposer une réelle réécriture. Avec Persuasion, sur Netflix, le mélange entre le côté moderne et l’histoire de Jane Austen est très dérangeant."

Au final, malgré toute les bonnes intentions de Carrie Cracknell et la bonne volonté de Dakota Johnson, l’adaptation Netflix de Persuasion donne un film aussi plaisant qu’inconsistant qui peine à décoller.

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