
Violences sexuelles: les témoignages accablants de huit femmes contre PPDA

Il voulait qu'elles sortent de l'anonymat, elles l'ont fait. En mars dernier, Patrick Poivre d'Arvor, visé par huit plaintes pour viol, harcèlement sexuel ou agression sexuelle, mettait en doute la sincérité et le courage de ses accusatrices sur le plateau de Quotidien: « uniquement de l’anonymat, toujours de l’anonymat. Jamais une personne qui ose venir, les yeux dans les yeux, me dire : 'Non, ce n’était pas bien'. »
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Quelques mois - et un classement sans suite de l'enquête préliminaire - plus tard, huit femmes ont décidé de prendre l'ex-présentateur du 20 heures de TF1 au mot, en témoignant dans Libération, dont sept à visage découvert. Toutes font partie des 23 femmes qui ont été entendues par la justice. Elles décrivent un « mode opératoire » du journaliste de 74 ans qui, après une invitation à assister au JT ou à un entretien professionnel, les aurait agressées ou violées, en mêlant « abus de pouvoir et sentiment de toute-puissance, écrasement des plus faibles et silence complice ».
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« La porte était ouverte »
Leurs récits sont glaçants, comme celui de Stéphanie Khayat. Âgée de 24 ans et anorexique au moment des faits, elle dit avoir subi une fellation forcée dans le bureau de PPDA. « Je ne l’entends pas s’approcher. Il me retourne brusquement face à lui, m’oblige à me baisser et enfonce son sexe dans ma bouche. Je ne suis pas là depuis dix minutes », raconte-t-elle avant de poursuivre: « on n’impose pas une fellation à qui que ce soit mais mettre de force quelque chose dans la bouche d’une anorexique, lui faire avaler du sperme, c’est encore plus violent que violent. »
Une autre femme, qui préfère ne pas dévoiler son nom, dit, elle aussi, avoir été agressée sexuellement par le présentateur vedette en 2003: « en une poignée de secondes, sa langue était dans ma bouche, une de ses mains dans mon soutien-gorge, les doigts de l’autre dans mon sexe. La porte était ouverte. Dans les bureaux tout à côté, il y avait ses deux secrétaires et la rédactrice en chef. »
Comme elle, toutes dénoncent le sentiment d'impunité totale et l'omerta autour de ces violences sexuelles. « La direction de TF1 savait ce que PPDA faisait aux femmes », assure Muriel Reus, à l'époque directrice adjointe d'une filiale de la chaîne française, tandis que Cécile Delarue, ancienne journaliste, se remémore l’humiliation d’être jaugée par les chefs « au regard amusé » comme « la prochaine qui passera à la casserole ». « Si tout le monde le savait, pourquoi est-ce que cela continuait? » s'interroge Aude Darlet, employée dans une compagnie aérienne.
PPDA se cache derrière la justice
Ces témoignages s'ajoutent ainsi à celui de Florence Porcel, la première à avoir porté plainte contre Patrick Poivre d'Arvor, qu'elle accuse de viol et d'agression sexuelle à deux occasions, en 2004 et 2009. « Devant son courage hallucinant, on ne pouvait pas la laisser seule », confie Emmanuelle Dancourt, l'une des accusatrices qui, ensemble, lancent l'association #MeTooMedias dans l'espoir de libérer la parole dans le monde médiatique, indique France Inter.
Sollicité par Libération, PPDA a rappelé qu'une décision de justice avait été donnée et lui « était favorable ». À propos de la Une du quotidien, le journaliste dénonce un « tentative de contournement médiatique d’une décision d’ordre judiciaire » qu'il juge « regrettable, inquiétante et dangereuse ».
En juin dernier, le dossier avait en effet été classé sans suite par le parquet de Nantes pour « prescription » ou pour « insuffisance de preuves ». Mais selon Libération, l'autrice Florence Porcel s'apprête à déposer une nouvelle plainte avec constitution de partie civile, ouvrant ainsi une information judiciaire confiée à un magistrat indépendant.