
Le film de votre soirée : La Ligne, plongée délicate dans une famille toxique

Diffusion le 16 août à 20h30 sur Be1
Le cinéma singulier et exigeant d’Ursula Meier est fait de lignes. Que l’on ne franchit pas sans conséquences. Dans Home (2008), il y a la ligne qui sépare une autoroute en construction d’une petite maison familiale isolée. Dans L’enfant d’en haut, celle qui coupe la plaine industrielle pauvre de la station huppée de ski. Et ici, celle symbolique qui sépare physiquement l’enfant de ses parents.
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Et cette ligne rouge par excellence, Margaret (Stéphanie Blanchoud, étonnante en mi-ange, mi-démon), 35 ans, vient de la franchir en frappant sa mère violemment au cours d’une dispute. La sentence tombe, lourde: il lui est interdit d’approcher à moins de 100 mètres la maison familiale et d’entrer en contact avec sa mère. Perdue, Margaret se réfugie chez son ex (Benjamin Biolay), qui accepte à contrecœur de l’héberger. Entre eux, une ligne aussi a été franchie.
On ne saura rien de l’origine de l’altercation entre la fille et la mère. Mais cette ligne invisible entre elles va se matérialiser par un grand trait bleu circulaire tracé au sol devant la maison par Marion, la plus jeune des sœurs. Elle va devenir l’enjeu du film. La mesure d’éloignement frappant Margaret n’ayant fait qu’exacerber son désir de retrouver sa famille.
Très habilement, Meier, qui évoque la violence sous un angle exclusivement féminin, déconstruit le déchaînement initial par petites touches, en organisant des rencontres entre sœurs autour de la ligne bleue. S’accrochant à ce qui relie la mère - incarnée par Valeria Bruni-Tedeschi, parfaite en maman égoïste et borderline, et la fille: la musique (la naissance de Margaret a causé la fin de sa carrière de pianiste, tandis que Margaret par ses colères a gâché un avenir possible dans le chant). Explorant cette dynamique familiale toxique qui a mené au geste irréparable. Tentant la réconciliation que le poison des non-dits a rendue quasiment impossible au cours des années. La musique adoucit les mœurs, dit-on. C’est vrai. Mais après, il y a tout le travail à faire pour se retrouver. Beau film.