

Captivée par les milliards engrangés par les phénomènes Barbie et Oppenheimer, la presse a passé sous silence la mort de William Friedkin le 7 août dernier. Ce nom ne dira peut-être rien à certains. Au contraire de films tels que L’exorciste et French Connection. Les gens de cinéma meurent, mais certains peut-être un peu moins que d’autres. Grâce à la magie de rediffusions télé.
Mais l’œuvre de Friedkin aura sa place dans l’histoire du cinéma. Il est en quelque sorte l’alpha et l’oméga du film policier, de la poursuite automobile (frondeur et excité par le danger, il la filme sans autorisation en plein trafic de Manhattan) et du film d’horreur. Classique et un rien plan-plan, le documentaire de Francesco Zippel présenté à la Mostra de Venise en 2018 n’en demeure pas moins une porte d’entrée idéale pour (re)découvrir l’univers de Friedkin. S’appuyant sur des extraits de films sélectionnés très judicieusement (chaque image démontre à quel point le cinéma du bonhomme est un puissant et euphorisant shoot d’adrénaline), le doc n’élude ni ses grands faits d’armes (en début de carrière, à 27 ans, il sauve littéralement un homme des couloirs de la mort avec son film The People vs. Paul Crump), ni sa longue traversée du désert après l’échec cuisant de Sorcerer (remake du Salaire de la peur, de son cinéaste de chevet, Henri-Georges Clouzot) tourné dans des conditions de folie, ni ses zones d’ombre (il est accusé à tort d’homophobie par certains milieux homosexuels pour son film Cruising situé dans les bas-fonds new-yorkais).
Le casting du doc est royal: il y a lui-même, bien sûr, que l’on voit à 85 ans alerte, provocateur, hilare, affable et passionnant entretenir son mystère et sa légende. Mais aussi Tarantino, Ellen Burstyn, Coppola, Dafoe, Argento, Chazelle… tous admiratifs de ce grand cinéaste à la fois si agréable et fasciné par le mal et les abîmes.