
Le pass sanitaire en voie de disparition: peut-on s'en réjouir?

Le pass est mort...
QR code, pass sanitaire, pass vaccinal… Ces termes ont parsemé les conversations de chacun depuis maintenant juste un an. C’est le 21 février 2021 qu’Israël fut le premier pays au monde à implanter le “green pass” qui permettait aux personnes immunisées contre le Covid d’accéder aux salles de sport, aux hôtels, aux cinémas… Ces lieux pouvaient ainsi rouvrir de manière plus fluide et les gens retrouver une partie de leurs loisirs. Cette solution était perçue comme un moindre mal par rapport aux confinements et autres lockdowns qui étaient les précédentes solutions pour freiner l’épidémie. Il s’agissait également à l’époque d’étendre la couverture vaccinale au plus grand nombre sur l’hypothèse que le vaccin protégeait la population contre les formes graves et contre la transmission du virus.
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Très rapidement ce système fait florès. En Chine, dès le mois de mars. Dans l’UE, le certificat numérique Covid entre en vigueur le 1er juillet et permet la levée des restrictions de voyage dans les 27 États membres. Le pass sanitaire est adopté également en juillet aux États-Unis, mais il ne repose pas sur un QR code. Assez rapidement le consensus autour du “moindre mal” de la mesure se fendille. Certains y voient un dispositif permettant la société de contrôle annoncée par Orwell ou Gilles Deleuze et portraiturée dans la série Black Mirror. Minoritaire, la contestation la plus sévère vient de France mais elle est présente dans de nombreux pays dont le nôtre. Elle se voit dans une certaine mesure légitimée par le constat scientifique qui établit que le vaccin, s’il protège effectivement contre les formes graves de la maladie, ne protège pas contre les transmissions. L’injonction “se vacciner pour se protéger et protéger les autres” devient, dès lors, partiellement caduque. L’utilité du passe se démonétise.
Cette dépréciation s’est accélérée avec l’apparition du variant Omicron, ultra-contagieux. “À cause de ce variant, une partie importante de la population est à nouveau susceptible d’être infectée par le virus indépendamment de son statut vaccinal ou du fait d’avoir déjà contracté la maladie”, a annoncé le 27 janvier le gouvernement catalan pour justifier l’abandon du pass sanitaire. La Grande-Bretagne, le Danemark et… Israël ont embrayé. La Suisse, la France ont annoncé leur intention d’en faire de même. En Belgique, le vice-Premier ministre Georges Gilkinet a déclaré à propos de la spécificité d’Omicron qu’il fallait “en tirer toutes les conclusions politiques”. Et transformer en actes le slogan “Pas un jour de trop” pour le CST et les mesures exceptionnelles prises. Cette transformation semble imminente.

Manifestation contre les mesures sanitaires en France, ce 5 février. © BelgaImage
Vive le pass?
Rentrer dans un bistrot sans redouter d’avoir oublié son GSM, voyager en France sans craindre un contrôle de la SNCF, songer à planifier ses vacances avec plus de sérénité, enterrer le différend entre “pro” et “anti”... La disparition annoncée des pass déclenche l’enthousiasme. Doit-on avoir des raisons de le modérer?
L'État hébreu, le poisson-pilote de la lutte contre le Covid-19, vient donc de supprimer le “green pass”, ce dimanche. Mais le “passeport vert” sera néanmoins maintenu pour les événements considérés comme “à risque”, dont la liste sera prochainement communiquée par le gouvernement israélien. Il est donc probable qu’à l’instar d’Israël nos États conservent ce dispositif pour certains événements. Ou pour une nouvelle évolution de la pandémie. Sans vouloir à toute force plonger dans la paranoïa et dans le catastrophisme, on ne peut pas tout à fait oublier le dernier avertissement de l’OMS. “Il est dangereux d’estimer qu’Omicron sera le dernier variant” a prévenu son directeur général. Celui-ci a par ailleurs rappelé que le potentiel d’un nouveau variant “plus contagieux” et “plus mortel” est “très réel”. On aimerait ne pas jouer les rabat-joie. Faire l’impasse sur la possibilité que soulève le professionnel par excellence de la santé mondiale. Tentant mais peu responsable. C’est qu’il est sans doute trop tôt pour affirmer que cette pandémie est terminée. Les souvenirs sont encore trop frais. Comment oublier qu’à chaque fin de vague, on pensait que c’était la dernière? Comment oublier que le virus est revenu à quatre reprises?
Le vaccin et donc le pass sanitaire ont été de redoutables armes contre la pandémie. En analysant les données de 33 pays, l’OMS avait estimé, fin 2021, que le vaccin a sauvé près d’un demi-million de personnes des griffes du variant Delta. Il faut admettre que ces vies sauvées ont eu un prix: celui d’une partie de nos libertés. Et en corollaire celui d’une fracture entre ceux qui acceptaient ce sacrifice et d’autres qui le trouvaient disproportionné. Peu d’informations existent qui permettraient d’estimer la taille des deux camps.
Un baromètre d’opinions en la matière réalisé par l’UE en août 2021 et le résultat du référendum de la population helvétique de novembre dernier sur le pass sanitaire tendent à accréditer la thèse des deux petits tiers pour le premier camp et un gros tiers pour le deuxième. Deux beaux bataillons qui devraient se réconcilier. À moins que par malheur, succède à Omicron un variant aussi agressif que Delta. Il semblerait raisonnable de penser que se présenteraient alors à nos gouvernants deux possibilités. Un nouveau cycle d’injonctions à la vaccination faites à la population avec le retour du pass sanitaire ou du pass vaccinal. Ou une seconde solution qui paraît plus probable: la vaccination obligatoire pour toutes et tous.