L'avenir est-il à l’écosocialisme? Paul Magnette et Georges-Louis Bouchez s'opposent

Le rouge teinté de vert est-il la solution miracle aux maux de notre époque? C’est le credo du président du PS, certainement pas celui du MR. Débat.

Paul Magnette pro-écosocialisme
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L'écosocialisme, né dans les années 70 en Allemagne, est relancé avec force par le ­président du PS qui y consacre un ouvrage de réflexions (La vie large - Manifeste écosocialiste). L’idée? Plus on est riche, plus on est responsable du changement climatique. Les pauvres, eux, ont rarement le choix de leur travail et de leur lieu de vie. De plus, ils sont davantage soumis aux nuisances environnementales et à leurs consé­quences sur la santé. La question climatique est ainsi une nouvelle lutte des classes. L’écosocialisme critique dans le même temps “l’écologie de marché” dominante, qui ne remet pas en cause le système capitaliste, et le “socialisme productiviste”, lequel ignore les limites naturelles.

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Paul Magnette inscrit son combat social et environnemental dans la droite ligne de Jean Jaurès. Pour lui, il faut arrêter de culpabiliser les 50 % des moins nantis qui polluent ensemble autant que le 1 % des plus riches. Ainsi, l’écologie ne doit plus être culpabilisatrice mais au contraire faire rêver d’une vie meilleure, “la vie large”, comme la nomme Magnette reprenant les mots de Jaurès. “Nous ne sommes pas des ascètes. Il nous faut la vie large.” Le président socialiste veut ouvrir une alternative à l’écologie punitive qui non seulement ne fonctionne pas, mais se révèle injuste à l’autopsie et aussi ouvrir des perspectives pour les classes populaires qui auraient envie de plonger dans les changements. Utopie ou possibilité? Paul Magnette et Georges-Louis Bouchez s’opposent.

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En attendant, pour le président de DéFI, François De Smet, ils sont tous à côté de la plaque. “Ce sont des idéologies pétrolières qui se sont imposées dans un monde d’abondance. Le monde a changé depuis. Les combustibles fossiles s’épuisent alors que les libéraux continuent à croire que la croissance est éternelle. L’approche de Magnette, elle, sous-estime l’ampleur de l’effort à faire. Il croit notamment que le nucléaire est une énergie de transition et si le 1% des plus riches doit bien sûr payer, ça ne suffira pas. Il nous faut une énergie pilotable et ce sera le nucléaire pour encore longtemps. Le nucléaire est le parachute des plus pauvres.

Paul Magnette, président du PS : “La transition profitera aux plus pauvres”

"On doit interdire les jets privés, par exemple, parce que les plus riches auront toujours les moyens de les utiliser même si on les taxe plus. Beaucoup de personnes ne font aucun effort pour la planète parce qu’ils n’ont pas besoin de le faire. On parle toujours dans ce débat “des gens”, comme si tout le monde était égal, alors que le 1 % des plus riches émet à lui seul 17 % des gaz à effet de serre. C’est la racine du problème. Les plus riches surconsomment, surproduisent et leur modèle déteint sur tout le monde. Par ailleurs, c’est en s’attaquant aux plus riches qu’on pourra générer des recettes qui permettront ensuite d’isoler les logements de tous, de rendre accessible l’alimentation naturelle, de développer des transports publics.

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Il faut pour cela une responsabilité politique. Responsabiliser les citoyens ne peut être une excuse pour une inaction publique. Je ne suis pas pour autant contre les écologistes, mais pour un dialogue critique et croisé avec eux. Mais les écologistes ont trop souvent tendance à dire que parce qu’ils ont raison, tout va se faire. Il faut établir des stratégies et aussi montrer que la transition est profitable aux classes populaires. Les inondations en Wallonie l’ont montré. Ce sont les pauvres qui habitaient sur les berges alors que les nantis sont dans les hauteurs. De même, les plus pauvres sont plus exposés aux pollutions sonores et font les métiers qui exposent le plus à la pollution. Nulle part au monde, la droite n’a de réponse à ces enjeux. Il y a même des climato-sceptiques comme la droite outrancière de Bolsonaro qui remet même en cause les droits des femmes. Mais même la droite de Macron fait croire que relancer le nucléaire sera la solution. C’est une illusion d’optique. Le communisme n’est pas la réponse non plus. L’Union soviétique et la Chine sont responsables de désastres environnementaux. Et même la Chine est aujourd’hui devenue capitaliste. Pour nous, la réponse est dans ce que nous avons obtenu depuis un siècle, dans des investissements publics. Et puis, la transition climatique ne sera pas triste. Il ne s’agit pas de se serrer la ceinture, mais de créer un monde plus beau et plus désirable où les villes seront plus belles et où on mangera mieux."

Georges-Louis Bouchez, président du MR : “Si on sacrifie les libertés des riches...”

Georges-Louis Bouchez contre l'écosocialisme

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"L’écosocialisme ne repose sur rien. Ce sont des déclarations vides. Le véritable enjeu est un triangle vertueux de défis à relever entre l’aspect climatique, le défi économique et social et la préservation des libertés. Nous essayons d’être équidistants face aux trois défis par des mesures équilibrées. Ce qui se passe nous donne d’ailleurs raison. Je n’entends aucun écologiste dire que c’est magnifique que les prix de l’énergie explosent car ça incite à consommer moins. Il ne s’agit plus d’opposer les riches et les pauvres car il faut préserver les entreprises pour préserver les emplois. Dire comme Magnette qu’il faut interdire les jets privés, c’est de la caricature. Car après on interdira à tout le monde de prendre l’avion cinq fois par an et puis ce sera la voiture. Si on sacrifie les libertés des plus riches, ce seront celles de tout le monde qui suivront. Moi, je n’ai pas la haine du riche. Certains ont une vraie jalousie. Nous ne prônons pas la sobriété et la décroissance mais la consommation intelligente. Fustiger le 1 % des plus riches est un mensonge. En réalité, aujourd’hui, un Occidental émet entre 10 et 20 tonnes de CO2 par an, avec certes des variations. Mais il y a moins de différence entre un riche occidental et un pauvre occidental qu’entre un Occidental moyen et une personne issue des pays en voie de développement. Quand vous vivez avec deux dollars par jour, vous ne consommez aucune énergie. Dire que le problème c’est Bernard Arnault et pas ses ouvriers, c’est faux. Les émissions de CO2 ont explosé à cause de la massification de la consommation. Plus il y a de consommateurs, plus vous abîmez la planète. Ce n’est pas le recours au jet qui pollue mais l’explosion des vols en avion qui concernent tout le monde, y compris le fret qu’on fait venir par avion.

Mon rôle cependant n’est pas de culpabiliser mais d’apporter des réponses par des choix de technologies. Et puis, la vérité c’est que beaucoup de gens veulent sauver la planète mais le climat n’est plus la priorité des gens quand ils n’arrivent plus à faire le plein pour conduire le gamin au foot. Les socialistes divisent les gens en catégories. Les écolos les culpabilisent. Nous disons que tout le monde doit faire des efforts et que nous devons investir dans les nouvelles technologies."

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