Pour ou contre un quota personnel de 4 voyages en avion pour sauver la planète ?

Chaque personne aura-t-elle une limite de 4 trajets en avion sur toute sa vie ? C’est en tout cas l’une des propositions de l’ingénieur français Jean-Marc Jancovici, pour lutter contre le réchauffement climatique.

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Le réchauffement climatique atteindra 1,5ºC par rapport à l’ère pré-industrielle dès les années 2030-2035, prévenait fin mars le Giec dans son dernier rapport de synthèse. Une projection valable dans presque tous les scénarios d’émissions de gaz à effet de serre de l’humanité à court terme, compte tenu de leur accumulation depuis un siècle et demi.

Dans ce «guide de survie pour l’humanité», les experts du climat martelaient : «les bénéfices économiques et sociaux d’une limitation du réchauffement climatique à 2ºC dépassent le coût des mesures à mettre en place».

Et ce, quand bien même lesdites mesures s’avèreraient radicales? Oui, répondrait très probablement Jean-Marc Jancovici. L’ingénieur français, président du groupe de réflexion The Shift Project, a en tout cas remis en avant une proposition drastique : instaurer un quota maximum de trajets en avion au cours d’une vie. Une idée qui a toutefois encore du chemin avant de faire l’unanimité.

 

 

Pour un quota de vols aériens par personne

Interrogé ce mardi 30 mai sur France Inter, Jean-Marc Jancovici a répété l'une de ses propositions de l'an dernier, visant à limiter le nombre de vols à 3 ou 4 par personne.

«L'avion représente 8% du pétrole mondial, il est né avec le pétrole et va mourir avec lui, expliquait fin 2022 celui qui est aussi co-auteur de la BD déjà best-seller Un Monde sans fin. Il n'existe pas de solution technique à l'échelle (industrielle, NDLR) pour conserver les quelques milliards de passagers aériens par an».

Pour le coup, il plaidait pour une solution «communiste» :«riche ou pauvre, vous auriez droit à trois ou quatre vols dans votre vie». «Je trouve que de gérer par les quantités est plus égalitaire que par les prix», ajoutait l'ingénieur. À l’inverse de propositions visant à taxer davantage l’avion pour en diminuer l’usage, l’instauration de quotas de trajets mettrait en effet tous les voyageurs à égalité, quelle que soit l’épaisseur de leur portefeuille.

«Depuis, j’ai fait les calculs, c’est à peu près le bon ordre de grandeur», a affirmé mardi l'enseignant de Mines ParisTech au micro de France Inter. «L'idée même qu'on puisse prendre quatre vols en une vie n'existait pas, il y a un gros demi-siècle (…)Pour ceux pour qui cela paraît inconcevable et restrictif, il faut bien qu'ils se rendent compte que c'est quelque chose d'extrêmement récent et que ça partira avec le pétrole».

 

 

Pour ceux qui voudront continuer à voyager en avion, «nous pourrions envisager que sur les quatre vols, deux soient effectués lors des études, pour découvrir le monde», a-t-il proposé.

Et pour tous les autres voyages, sans doute amenés à diminuer eux aussi ? Pour l'ingénieur, le train ou le bateau devront être les moyens de transport prioritaires. «Il m’est arrivé d’aller en train et en bateau au Maroc, en traversant Gibraltar. (…) Il faut retrouver le temps du voyage qui est long. Et alors le voyage lui-même devient une découverte», a-t-il plaidé.

 

 

Contre des quotas, mais pour un accroissement du train

Notamment interrogé sur cette idée de quotas de vols, Philippe Henry, ministre wallon du Climat, s’est montré très prudent sur LN24, mercredi 31 mai.

«On va devoir diminuer la quantité de marchandise transportée en avion. On doit également limiter nos déplacements en avion et privilégier le train. Un quota de vols aériens par personne ? C’est complexe, le débat n’est pas mûr pour des propositions aussi radicales. Ce qui est clair, c’est qu’on doit diminuer notre consommation de voyages en avion. Si on fait en sorte que prendre le train soit moins cher que l’avion et qu’il y a une offre suffisante, on va déjà diminuer la quantité de gens qui prennent l’avion».

De son côté, Jean-François Rial, PDG du groupe Voyageurs du Monde se montrait opposé à la proposition de Jean-Marc Jancovici, dans les colonnes de l’Express. Le voyagiste rejetait une réglementation trop «brutale» : «Supprimer le transport aérien, c'est menacer 10% des emplois mondiaux, expliquer aux Sri-Lankais, aux Egyptiens, aux habitants des Maldives, qui ne vivent quasiment que du tourisme, que du jour au lendemain, tout s'arrête. On ne peut pas nier non plus que l'aviation est un élément de rapprochement des civilisations et des peuples».

 

 

«On ne peut nier que l'avion est un mode de transport pour les riches, admettait Jean-François Rial. A titre personnel, je juge qu'une taxe carbone sur cette activité avec une logique de progressivité n'est pas absurde (…) Si pendant un certain temps, nous devons pousser les consommateurs à voyager moins souvent, je ne suis pas contre, mais faisons-le par les prix, pas de façon réglementaire. Il faut pénaliser tout ce qui génère une surconsommation de l'aérien via les taxes, et récupérer ce produit pour financer la plantation d'outil de capture de carbone», proposait-il.

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