

Il a 24 ans. Il ne se reconnaîtra pas, il ne lit jamais la presse. Au petit-déjeuner, il scrolle sur l’écran de son smartphone. Il scrolle, il scrolle, il scrolle – comme s’il avait le monde au bout des doigts. Si on lui adresse la parole, il ne relève pas la tête et fait “Hum hum” pour dire “Message reçu”. Le soir, devant la télé (qu’il ne regarde pas), il scrolle encore.
Elle a 52 ans, et deux manies: elle photographie systématiquement les plats qu’elle commande au restaurant et elle fait un selfie obligé avec les personnalités télé que le hasard a la bonne idée de placer sur son chemin. À ce jour, elle a plus de photos de carpaccios de Saint-Jacques que de David Jeanmotte, mais ce n’est pas très grave… La rareté confère aux images de David Jeanmotte un caractère exceptionnel, voire sacré, que la coquille Saint-Jacques n’a pas, mais qui donne à son téléphone une allure de journal peu intime.
Entre ces deux exemples, il y a encore ceux et celles qui se photographient à l’hôpital – perfusion au bras droit, juste avant ou après une intervention et postent ce souvenir sur Facebook. Il y a ceux qui consultent leur boîte mail au lit et répondent à leur boss à deux heures du matin. Nous vivons désormais comme dans la chanson d’Angèle, celle qui dit “j’ai besoin de checker mille fois mon écran […] à l’heure où on donne tous notre avis sur tout […] j’ai pas tant de choses à dire, je crois que je veux juste qu’on m’écoute”. Hé oui…