
La pause sabbatique fait rêver les jeunes

Hugo en parlait depuis la quatrième. En septembre 2017, il s’envole pour l’Indiana, refaire une rhéto dans un collège américain. “Je voulais voyager, commencer une autre vie ailleurs, temporairement. Je ne savais pas exactement quel type d’études choisir, je ne voulais pas entamer quelque chose puis arrêter, et perdre un an. Alors, autant faire quelque chose d’original…” Verdict du jeune homme, désormais parfaitement bilingue et au clair avec son choix - il a découvert la programmation et poursuit aujourd’hui des études d’ingénieur de gestion: “C’était chouette de découvrir autre chose. Et puis, ce n’était quand même pas rien”.
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Prendre une “gap year”, le terme vient des États-Unis où la pratique est très courante, s’envisage de plus en plus souvent chez nous. Pendant longtemps, l’année de césure n’a pas été au-dessus de tout soupçon - ne dit-on pas encore souvent “Partir un an, c’est perdre un an”, le diplôme restant LE moyen d’acquérir une position sociale (enviable). La mentalité anglo-saxonne laisserait quant à elle plus de place à l’initiative personnelle, à l’apprentissage de l’autonomie par l’expérience, à valoriser plus tard sur un C.V.
La dénomination de ce qui reste parfois encore considéré comme une parenthèse ne lui sert peut-être pas: “sabbatique” renvoie, dans la Torah, à la septième année, soit un “temps de repos pour la terre, en l’honneur de l’Éternel”. Signification première de l’adjectif: “chômé” ou “de repos”, vite traduit dans l’imaginaire collectif, dans le cas qui nous occupe, par voyage, vacances, évasion et glande. Une vision loin de créditer l’expérience de tous ses bénéfices. Invité mi-mai par le Service de volontariat international (SVI) pour donner une conférence sur le sujet, le rédacteur en chef du Guide du routard y voit quant à lui une véritable opportunité de développement personnel.
Curiosité et maturité
Apprentissage d’une langue (c’est souvent la condition a minima pour les parents), envie de vivre autre chose, de voir le monde, de s’ouvrir à la différence, d’aller voir ailleurs si on y est, ou besoin de rompre un temps avec le monde académique, scolaire, avant de se lancer dans un nouveau tunnel d’études, course au diplôme, etc., les motivations pour partir sont multiples. Elles s’additionnent parfois. Et le concept de la “gap year” vire “tendance”. Les sites des organismes comme Education First (EF), World Exchange Program (WEP) et autre AFS s’ouvrent sur des photos attractives, voire ensoleillées: “Ils vendent du rêve”, regrette Corinne, dont deux des enfants ont tenté l’expérience. Même l’engagement humanitaire, elle le regarde aujourd’hui avec moins d’angélisme, bien que sa fille soit revenue satisfaite de son séjour de trois mois au Japon, où elle a travaillé en compagnie de personnes handicapées.
L’année sabbatique représente un véritable créneau commercial, avec abondance et diversité de formules impressionnantes: immersion linguistique et culturelle, voyage, volontariat et mission humanitaire, année au pair ou travail à la ferme, découverte d’un emploi, etc. Certains projets de césure se prévoient longtemps à l’avance (obtention du visa, échelonnement d’un coût conséquent… ), sont bien encadrés par les organismes professionnels et rassurants. Ils se mettent en place au bout d’une (parfois longue) série d’étapes, séances d’information, entretiens, évaluation des compétences et psychologique, courrier de motivation pour trouver une famille d’accueil… D’autres se décident plus rapidement, dépendants des résultats des examens de juin, voire de la seconde session; des solutions existent.
Cadrage
La mère d’Hugo, parti avec WEP - fondé il y a trente ans, en 1988, par deux Liégeois et qui envoie aujourd’hui entre 2.500 et 3.000 jeunes Belges à l’étranger chaque année -, souligne que c’était vraiment son projet, une des données importantes dans la réussite de l’expérience. Elle a apprécié de la part de l’organisme la mise en place de règles claires. Il faut par exemple que le jeune montre sa volonté de respecter les règles de la famille avec laquelle il va vivre quelques mois. Chez WEP, l’évaluation psychologique cherche à déterminer si le (la) candidat(e) se montre suffisamment autonome, et en même temps assez flexible que pour s’intégrer à un nouveau système familial forcément différent - une procédure pour prévenir un maximum les couacs, qui peuvent subvenir malgré tout. Autre exigence, WEP ne prend dans son programme phare de seconde rhéto que des élèves qui n’ont jamais doublé.
Le frère d’Hugo, 18 ans, voudrait tenter l’aventure lui aussi, dans deux ans, après une spécialisation “traiteur” qu’il enchaînerait à la suite de sa formation en boucherie. Il vise le Canada, pour prendre quelques mois des cours d’anglais, puis travailler. Ses parents ont posé certaines conditions: acquérir une base en anglais et tester l’autonomie. Avant. Émilien part cet été travailler quelques semaines dans une ferme en Dordogne, formule Woofing (grâce à la plateforme www.wwoof.com, qui facilite les échanges humains autour de l’agriculture biologique).
Ernest, 20 ans, suit des cours en anglais depuis janvier dans un Folk College au Danemark (programme AFS). Il n’a pas pu intégrer le collège prévu initialement: trop de francophones! Le niveau de l’école semble moins bon, il s’ennuie. Sa mère, Isabelle, peste contre l’organisme organisateur. Le début de l’année s’est mieux passé. En septembre, le garçon a commencé par prendre quelques semaines de cours en Angleterre, puis a filé trois mois aux États-Unis, grâce à Work Away, plateforme qui met en contact les voyageurs prêts à donner un coup de main avec des hôtes qui ont besoin d’aide pour leurs activités: Ernest a cueilli des dattes dans une ferme, sillonné la Californie avec sa nouvelle copine et découvert l’agriculture en permaculture.
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