Télévision numérique: l’abonnement à tout prix

Des sites de streaming aux applications, en passant par les jeux vidéo, la gratuité n’est plus qu’une illusion et le portefeuille des consommateurs est mis à rude épreuve. Analyse.

© Jens Kreuter / Unsplash

En 2011, l’App Store d’Apple, boutique virtuelle permettant de télécharger une multitude d’applications pour iPhone et iPad, accueille une nouveauté qui va changer à jamais notre façon de consommer des biens dématérialisés. En effet, la marque à la pomme introduit les “In-App Purchases”, soit des achats intégrés, qui offrent la possibilité aux développeurs de distribuer leur application gratuitement, tout en monétisant certaines parties. Ainsi, il est possible d’utiliser les fonctions basiques de l’application sans débourser le moindre euro, et ensuite payer une petite somme (parfois récurrente) pour débloquer des options supplémentaires. L’idée a permis à de nombreux développeurs de faire tester gratuitement leur application tout en se garantissant une rémunération sur le long terme. 2011, c’est également l’année où Spotify débarque en Belgique. La plateforme de streaming, qui a vu le jour en Suède, tirera pleinement profit de ces achats intégrés en proposant aux utilisateurs de s’abonner (et ainsi profiter d’une utilisation illimitée) directement depuis leur smartphone. Pour confirmer l’achat, il suffit de placer son doigt sur le lecteur d’empreinte et le tour est joué. Un véritable jeu d’enfant. Très vite, d’autres services emboîtent le pas et “payer avec son doigt” devient une habitude. Un réflexe tellement simple que l’achat semble anodin, voire sans conséquence. Et pour le Belge habitué à des années sans offres légales alléchantes, l’arrivée de Netflix, Spotify, Apple Music, Mubi ou Amazon Prime est une aubaine. Pourtant, huit ans plus tard, le constat est tout autre. Sur les réseaux sociaux, le hashtag #SubscriptionFatigue (soit la lassitude face aux abonnements qui se multiplient) est utilisé à l’annonce de chaque nouveau service. Google se lance dans le jeu vidéo en streaming? Il faudra passer à la caisse tous les mois. Apple et Disney lanceront prochainement leur concurrent à Netflix? Comptez un peu moins de dix euros par plateforme. Pour l’utilisateur, cette multiplication des acteurs, qui de prime abord semblait être une bonne chose, est devenue un véritable casse-tête.

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Contenu dispersé et exclusivités

Dans le monde de l’abonnement, le nerf de la guerre est évidemment le contenu. Et du côté des créateurs, la tendance est au “chacun pour soi”. Eux qui ont longtemps délégué la distribution de leur contenu se réapproprient leurs films, séries et franchises, créant ainsi une fragmentation frustrante pour le consommateur, qui paie pour du contenu amené à disparaître. Prenons l’exemple de Netflix, qui a longtemps régné en maître sur le marché du streaming vidéo. La plateforme proposait, pour 7,99 euros par mois (son tarif de base), un accès à des créations originales, ainsi que de nombreux films Marvel et des séries culte comme Friends. En 2019, cette situation alors idéale pour l’abonné s’est radicalement détériorée. Netflix propose toujours ses créations originales. Mais Disney +, la plateforme de streaming du studio Disney, va récupérer ses nombreuses licences (Marvel, Star Wars…), tout comme HBO Max, la future plateforme du studio Warner. En d’autres termes, pour accéder au même contenu, il faudra s’abonner aux trois services. La situation est moins problématique dans le domaine du streaming musical, où seules quelques exclusivités différencient Spotify, Apple Music, Deezer et les autres. Mais il n’est pas impossible d’imaginer un futur proche où le catalogue d’Universal Music ne soit disponible que sur une plateforme propriétaire, face à celui d’autres grandes majors comme Sony Music ou Warner Music. La complexité des offres pourrait avoir des effets négatifs. À commencer par le piratage, qui pourrait faire son grand retour. Même s’il n’a jamais vraiment disparu, il pourrait séduire des utilisateurs frustrés de devoir multiplier les abonnements pour regarder et écouter ce qui leur plaît. C’est bien là le problème des biens dématérialisés: l’utilisateur n’est plus propriétaire de ses achats. Alors, à quoi bon payer?

Par ici la monnaie

Voici une petite liste non exhaustive des services qui débarqueront dans les prochains mois. Attention, ça va faire mal au portefeuille.

Apple TV+ Prévue pour cette rentrée, la plateforme d’Apple devrait proposer des créations originales produites par de grands noms, tels que Steven Spielberg, Reese Witherspoon, Damien Chazelle ou J.J. Abrams.

Google Stadia Baptisée “le Netflix du jeu vidéo”, la nouvelle plateforme de Google veut révolutionner l’industrie en proposant des jeux jouables sans console.

Disney + Attendue pour 2020 chez nous, la plateforme de Disney fera la part belle aux créations du studio, et proposera également des créations originales, dont des séries inspirées de l’univers Marvel et Star Wars.

HBO Max La plateforme du studio Warner, qui proposera du contenu de la chaîne HBO, de Turner Classic Movies, Warner Bros., Cartoon Network, DC Entertainment et New Line Cinema, n’a pas encore été annoncée en Europe, mais pourrait arriver en 2020.

Apple Arcade  La firme de Cupertino dévoilera à la rentrée son abonnement dédié aux jeux vidéo. Au programme: cent jeux triés sur le volet, et garantis sans achats intégrés. Les gamers l’attendent avec impatience.

 

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