
Et si on faisait un tour à Dinant?

Au départ, il y a une petite hésitation. 128, ça fait quand même beaucoup. Dans son bureau de la Maison du tourisme longeant la Meuse, le directeur Pierre Grandjean a un peu peur d’exagérer. Mais sa collègue Janique Liban est sûre d’elle. Électrisée, elle parcourt ses feuillets de chiffres avant d’afficher son plus grand sourire. “Oui, 17.122 votes en provenance de 128 pays ont plébiscité Dinant. Dont plus de deux tiers ne venaient pas de Belgique.” Ce qui a valu à la ville d’être désignée 11e meilleur lieu de voyage d’Europe par l’organisme European Best Destinations (EBD). Parmi les vingt candidats, la cité mosane dépasse des noms comme Athènes, Florence, Paris, Berlin. Ou Bruxelles.
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“Cela faisait déjà un petit moment qu’on voulait avoir Dinant dans la compétition”, assure Maximilien Lejeune, CEO d’EBD. Après une première demande refusée en 2018, Dinant a finalement accepté de présenter sa candidature il y a quelques mois. “Dans les grandes villes, ce genre de concours se perd dans les arcanes administratives alors que nous avons directement sauté sur l’occasion”, se souvient Janique Liban, bientôt complétée par Pierre Grandjean. “Il ne faut pas comparer des pommes comme Athènes et Paris et des poires comme Dinant, mais le principe d’un concours c’est que chacun ait ses chances. On les a plutôt bien utilisées… sans dépenser un euro.” Dinant a en effet décidé de miser uniquement sur la force de ses réseaux sociaux. D’après EBD, la ville de naissance d’Adolphe Sax fait d’ailleurs partie des plus actives d’Europe sur des plateformes telles que Facebook et surtout Instagram. Mais cette 11e position a tout de même surpris pas mal de monde. “Notre ville n’est pas si incroyable que ça, m’ont dit plusieurs Dinantais, rigole Maximilien Lejeune. C’est une très jolie localité, mais il faut la regarder avec un oeil de visiteur. Ses premiers promoteurs sont d’ailleurs américains ou canadiens.” Pas assez chauvins, les Copères?
Photogénique et éclectique
Sur Instagram, le tableau citadelle-collégialemaisons colorées surplombant la Meuse fait véritablement fureur. Mais il n’est pas le seul. “Dinant est très photogénique, commente Maximilien Lejeune. Ça n’a pas été aussi facile de mettre les autres villes en évidence lors du concours.” Autres clichés à haut potentiel de la cité mosane, le sommet du Rocher Bayard et, original, les saxophones géants et colorés. Mais la mixité urbaine et rurale est un autre atout. À partir du centre-ville, quelques minutes de croisière sur la Meuse suffisent pour se retrouver dans un environnement totalement naturel et dépaysant. Depuis de nombreuses années, Dinant se positionne comme le centre névralgique d’une région éclectique en termes d’activités: attractions sportives, slow tourisme, patrimoine, culture, etc. De quoi séduire plusieurs types de publics. “De plus en plus de gens rejettent le tourisme des grandes villes, estime Pierre Grandjean. Certaines sont impersonnelles, “AirBnBsées” et débordent de monde.
Comment voulez-vous vous sentir comme un habitant quand vous êtes perdu au milieu d’une foule? Ici, dans une plus petite ville, on peut vivre cette expérience du local.” Pour tous ces voyageurs allergiques aux endroits et produits “standard” dont les t-shirts “I love + le nom de la ville” sont les principaux ambassadeurs, Dinant incarne l’illustration parfaite du lieu caché, proche, authentique et d’où ils peuvent ramener des souvenirs incarnés tels que les couques, la flamiche, les bières locales. “C’est une destination qui a déjà tout. Il lui manque juste un petit coup de projecteur, ce que l’on sait faire, argue Maximilien Lejeune. On sait que Dinant ne tardera plus à faire son apparition dans le Lonely Planet, on voulait donc être les premiers à en parler.”
En avril 2018, l’inauguration de la Croisette, cette promenade le long de la Meuse, n’a précédé que de quelques semaines la fusion des Maisons du tourisme de Namur et de la Haute-Meuse. Son objectif est de trouver des synergies autour de la colonne vertébrale que constitue le fleuve et les portes d’entrée que sont Namur et Dinant. Spécialiste inconditionnelle de l’accueil des touristes de proximité (Flamands, Français, Néerlandais et Allemands), la cité mosane voit depuis peu débarquer des visiteurs originaires de pays plus éloignés: Australie, Afrique du Sud et même Chine. “Ils passent pour la plupart par des opérateurs qui proposent des programmes avec certains centres d’intérêt, dont Dinant, glisse Pierre Grandjean. Notre ville n’est pas inconnue en Chine: la marque Huawei utilise notamment des photos de Dinant pour vanter la qualité de ses appareils photo.” Le temps des agences est révolu, tout passe désormais par la Toile où les voyageurs font eux-mêmes la promotion des lieux qu’ils ont appréciés. “Internet a permis à de petites destinations comme Dinant de se faire connaître alors qu’il n’y avait pas autant de visiteurs auparavant”, place Janique Liban. Aujourd’hui, la cité des Copères ne cherche plus à fidéliser le public mais son réseau.
“Pendant les travaux…”
La rue Grande n’est pas le coin le plus agréable de la ville. Entourée de bâtiments assez austères, la chaussée principale confère une sensation sombre et renfermée par rapport au bord de Meuse. Au sol, les trous se succèdent et n’incitent guère à y engager un quelconque véhicule. Installé à une intersection, “Le Comptoir de Jeanne” se prépare pour le midi. Le coup de feu? Pas vraiment. “Pour le moment, les quelques fidèles clients dinantais qui viennent disent qu’ils le font uniquement pour nous, ils n’ont pas envie de se pro ener dans le centre, dévoile le serveur, la trentaine. Et comme les travaux ne sont pas finis, il faudra du temps avant que Dinant redevienne comme avant.”
Les aménagements du centre-ville n’ont jamais réellement cessé depuis 2011. À une époque, certains sont même allés jusqu’à comparer la cité mosane à “Beyrouth, les bombes en moins”. Une allusion à la désolation causée par les (ré)aménagements et à la désertification du nombril de la ville tant par les commerçants que par les habitants. “Tout le monde est aujourd’hui convaincu de l’utilité de la Croisette (un chantier qui a paralysé le centre pendant trois ans - NDLR), mais quand on parle d’un nouveau mois de travaux pour s’occuper de la rue Grande, les Dinantais craignent de revoir des pelleteuses, des déviations et des problèmes de parking”, résume Thierry Marlier, de l’Agence de développement local (ADL).
La relation entre les Copères et leur centre-ville n’est pas au beau fixe. Ces dernières années, l’ADL a donc questionné les citoyens pour connaître leurs aspirations quant au développement central de Dinant. Depuis, une certaine logique se met en place. Les poubelles de la ville sont (enfin) les mêmes; il y a de plus en plus de bois présent dans les constructions pour casser le minéral et donner plus de vie; une nouvelle signalétique va voir le jour pour égayer le passage au centre; le bourgmestre envisage d’utiliser certains outils touristiques comme le téléphérique de la citadelle ou les bateaux comme alternatives à la voiture pendant les travaux. “Il n’y a pas de méthode magique pour faire revenir les gens et le commerce en centre-ville, reprend Thierry Marlier. C’est un ensemble de facteurs qui, ensemble, peuvent améliorer la qualité de vie. Mais ça prend du temps…”
À terme, la signalétique devrait répartir la ville en cinq quartiers de couleurs et d’esprit différents: le centre serait plutôt artisanal, la rue Grande, commerciale; la Croisette, baladeuse; le quartier de la gare, pratique et celui d’Adolphe Sax, culturel. Le tout dans l’intérêt des Dinantais comme des touristes. “On est une ville touristique, il n’y a rien à faire, ponctue Hélène Meyfroidt, responsable de l’ADL. Même au moment de la construction de la Croisette, les terrasses étaient bondées le dimanche. L’ancien bourgmestre disait que les gens venaient voir l’avancée des travaux...”
Nouveau Lisbonne?
Justement, n’y a-t-il pas un risque que le touriste supplante le local au quotidien pour faire de Dinant un nouveau Lisbonne? Olivier Pitance répond par la négative. Le quadra gère depuis 25 ans “Dinant Évasion”, une entreprise qui propose entre autres des activités de kayak, aventure et croisière. “Il existe de nombreuses règles – notamment liées au respect de l’environnement - qui limitent l’affluence. Par exemple, chaque jour, un certain nombre de kayaks peuvent être mis en circulation. Ce quota n’évoluera pas. On doit surtout se concentrer sur la diversité et la qualité de l’offre plus que sur un développement du nombre de touristes.” Pour le moment, le touriste de masse afflue en haute saison, le touriste de proximité préfère les dimanches et le touriste “vert” vient, lui, pendant la saison morte.
Pour donner une réponse au dernier cité, la Maison du tourisme a développé un catalogue spécial hiver avec un agenda complet des manifestations hors saison et encourage les partenaires touristiques à ouvrir plus longtemps, ne fût-ce que les week-ends. La prochaine étape: assurer la convivialité entre locaux et touristes. “Ça passe notamment par une activité touristique non dérangeante comme le kayak vert, estime Olivier Pitance, qui espère par ailleurs une refonte de l’offre d’hébergement, insuffisante. On est sur la bonne voie, mais il ne faut pas se reposer sur nos acquis sous peine d’être dépassés.”
Quatre activités à ne pas rater
Outre les incontournables que sont la citadelle, la Croisette, la descente de la Lesse, le Rocher Bayard, le musée Adolphe Sax et la réserve naturelle de Furfooz (à 8 km du centre-ville), voici quatre activités moins connues mais tout aussi passionnantes.
Maison de la Pataphonie. Installée dans l’une des plus vieilles maisons de la ville, la Pataphonie propose une incursion dans un univers de sons étranges et envoûtants. Flûte harmonique aquatique contrebasse, tigeophonne… Tous ces instruments illuminent les yeux et les oreilles. Rue En-Rhée 5, 5500 Dinant.
Le Bois du casino. À côté du centre culturel, derrière un kiosque en cours de création, le Bois du casino prend ses quartiers sur les coteaux de la citadelle. De nombreux sentiers s’évadent pour mener à quelques jolis points de vue sur la ville. De là, il est possible d’atteindre la citadelle à pied. Une promenade typiquement dinantaise.
Brasserie Caracole. Héritage d’une entreprise lancée en 1765, la brasserie de Falmignoul (à 8 km du centre-ville) est l’antre de la bière locale “Caracole”, une des dernières au monde à être fabriquée au feu de bois. La visite guidée inclut notamment la découverte du processus de brassage et la dégustation de galopins. Côte Marie-Thérèse 86, 5500 Falmignoul.
Aventures légendaires. Le pacte de Dame Mosa a été rompu. Les 7 pierres du bijou contenu dans le coffre magique doivent être retrouvées pour ramener la paix dans la vallée mosane. Activité familiale par excellence, “Le serment des 7 pierres” propose une découverte ludique de cinq villages dinantais. www.dinant.be/tourisme