
Faire du ski en Forêt Noire? Oui mais pas que...

Si je vous dis Forêt-Noire, j’imagine, gourmands comme vous êtes, que vous pensez immédiatement gâteau. Un gâteau devenu l’ambassadeur de la pâtisserie allemande, composé de génoise au cacao, parfumé au kirsch, fourré de cerises au sirop et de crème chantilly. Ses couleurs (le noir, le rouge et le blanc) rappellent celles du costume traditionnel des habitants de la Forêt-Noire, ce coin d’Allemagne authentique qui, l’hiver venu, revêt ses habits de conte de fées. Pas difficile à trouver la Forêt-Noire. Depuis l’Alsace, il suffit de traverser le Rhin; c’est le massif en face. En quelque sorte, le pendant allemand des Vosges. Ici, le relief est recouvert à 60 % de forêts. Le sapin noir, qui règne en maître, a donné son nom à la région. Ici, pas de hauts sommets. On évolue le plus souvent entre 800 et 1.000 mètres d’altitude, le point culminant du massif titille les 1.500 mètres. Dans l’histoire des sports d’hiver, la région tient une place à part. Premier club de ski fondé en 1891 à Todtnau et surtout première remontée mécanique mise en service en 1906 à Schollach. À l’époque, le meunier du coin avait imaginé un câble en boucle à mouvement continu permettant de tracter au sol les luges (et accessoirement les skieurs). L’énergie était hydraulique, fournie par son moulin.
La lecture de votre article continue ci-dessous
Paradis du ski de fond
Depuis, les installations ont bien évolué, mais en Forêt-Noire, elles demeurent toujours à taille humaine. Les stations n’ont rien à voir avec celles des Alpes. Elles rappellent plutôt les petites entités éclatées des Vosges ou du Jura. Les téléskis et autres “fils neige” sont d’ailleurs bien plus nombreux que les télésièges dernière génération. Une exception notable: le Feldberg, le sommet de la haute Forêt-Noire (1.493 mètres) vers lequel convergent les amateurs de ski alpin. La station possède un réseau de 14 remonte-pentes et de 16 pistes de tous niveaux. Avec d’autres domaines plus modestes des environs, le Feldberg constitue le principal centre de sports d’hiver de la Forêt-Noire. Vu les faibles altitudes, le massif, avec plus de 2.000 kilomètres de pistes tracées, attire cependant davantage les fondeurs. Lorsque les conditions de neige le permettent, on y pratique le ski de fond de Forbach et Baiersbronn au nord à Todtmoos au sud. Et si la journée s’avère trop courte, il est toujours possible de glisser sur l’une des nombreuses pistes éclairées en soirée. Possibilité aussi de pratiquer la raquette, le mode de déplacement traditionnel pour évoluer à travers les paysages hivernaux de la Forêt-Noire. Ou de dévaler les pentes sur des luges. Bon à savoir: de nombreuses pistes de luge sont damées et certaines sont même équipées d’un remonte-pente.
Pour l’ambiance romantique, rien ne vaut les promenades en traîneau. Pour le grand frisson, les compétitions de saut à ski. La Forêt-Noire héberge en effet de nombreux tremplins, l’un des plus importants étant celui de Hochfirst à Titisee-Neustadt. Et pour les amoureux des huskies, malamutes et autres samoyèdes, rendez-vous en février à Bernau pour assister aux compétitions internationales de chiens de traîneau. Particularité de la Forêt-Noire: de nombreux sentiers sont déblayés, pour le plus grand plaisir des amateurs de randonnées hivernales. Même lorsqu’une épaisse couche de neige recouvre la région, la plupart des lieux de villégiature offrent de nombreuses possibilités de prendre l’air et de renforcer ses défenses immunitaires en marchant, tout simplement.
Et si vos pas vous mènent dans les forêts enneigées, vous y bénéficierez d’un délicieux silence ouaté. Les pourtours des lacs sont beaucoup plus fréquentés. Voici le Titisee, le plus grand lac glaciaire de la région. Il doit son nom à Titus, l’empereur romain qui, dit-on, aurait été subjugué par la beauté des lieux. Autre pièce d’eau très courue, le Schluchsee, un lac artificiel de 500 hectares situé à 930 m d’altitude. Lové dans un splendide écrin de nature, chatouillé par les brumes. Près des rives, une multitude de promenades romantiques se fraient un chemin parmi les arbres. Un vrai décor de conte de fées en hiver.
Clinique de la Forêt noire
À quelques minutes du Schluchsee, le musée Hüsli (à Grafenhausen) permet de découvrir la région sous un autre angle. Ancienne résidence de la chanteuse Hélène Siegfried, cette vaste demeure doit une partie de sa notoriété au fait qu’elle servit de lieu de tournage pour la série La clinique de la Forêt-Noire. L’intérieur offre à découvrir un concentré des artisanats locaux: horloges en bois, cheminées, verrerie, mobilier, anciens outils… Mais au-delà de la carte postale hivernale, la Forêt-Noire est terre de traditions. Architecturale d’abord, avec des fermes construites en bois, des fondations au toit. Des toits à croupes si caractéristiques, qui descendent jusqu’à hauteur du rez-de-chaussée. Selon l’endroit, ils sont recouverts de bardeaux ou de chaume, parfois de tuiles pour les bâtiments plus récents.
Dans certaines petites villes, les rues et ruelles se bordent de pittoresques maisons à colombages. Si vous ne devez en visiter qu’une, optez pour Schiltach. Le temps semble s’y être arrêté. La mairie du XVIe siècle et les magnifiques maisons à colombages avec leurs enseignes à l’ancienne Tradition horlogère ensuite. Les pendules en bois imitant le cri du coucou sont devenues le symbole de l’horlogerie de la Forêt-Noire. La tradition remonte au milieu du XVIIIe siècle, mais l’horloge à coucou telle qu’on la connaît vit le jour une centaine d’années plus tard. À l’époque, l’école d’horlogerie de Furtwangen sollicita des modèles contemporains et originaux au cadran décoré. Un professeur d’architecture présenta un projet rappelant les maisonnettes de garde-barrière. Cet emprunt au monde des chemins de fer, symbole de progrès à l’époque, détermina désormais la conception des “horloges-maisonnettes de voie ferrée ”. Le coucou était né.
Les fans ne manqueront pas la visite du Deutsches Uhrenmuseum (Furtwangen) qui abrite la plus grande collection d’horloges de la Forêt-Noire. Tradition thermale enfin. La Forêt-Noire est un des berceaux du thermalisme. Il règne ici une véritable culture du bien-être et l’offre de bains, saunas et spas est abondante. L´eau de source de la région du Bade- Wurtemberg est réputée pour ses bienfaits curatifs depuis l’époque romaine. Et les stations thermales sont légion. Pour les identifier, rien de plus simple: leur nom commence par Bad… La plus célèbre? Sans conteste Baden- Baden, au nord du massif. Depuis le XIXe siècle, cette ville d’eaux et d’élégance cultive un snobisme d’une autre époque. Y cohabitent deux grands complexes thermaux: les bains historiques de Friedrichsbad et, plus modernes malgré leur appellation, les Thermes de Caracalla. À noter que tous les grands établissements hôteliers du coin possèdent leurs piscine, sauna et centre welness. Une précision enfin. En Forêt-Noire, l’immense majorité des touristes est allemande ou suisse alémanique. Traduisez: vous n’entendrez guère parler le français. Mais cela aussi participe au dépaysement. www.foretnoire.info
Mets délicats et nids douillets
La gastronomie de la Forêt-Noire ne se limite pas au jambon et au gâteau du même nom. Et le luxe est à portée de remonte-pente. Parmi les autres spécialités du coin, citons le boeuf des alpages en sauce au poivre, les roulades aux truites, les filets de chevreuil ou les mohnkuechle (gâteaux) à la vanille. Et puis, il y a le boire. À Grafenhausen, les amateurs de mousses feront une halte à la brasserie Rothaus. Fondée en 1791, elle brasse la plus célèbre bière de la Forêt-Noire, la Tannenzäpfle. Mais la région, voisine de l’Alsace, produit surtout quelques-uns des meilleurs vins d’Allemagne: Gutedel, Müller-Thurgau, Riesling, Silvaner, Burgunder blanc et gris, Kerner, Traminer, Blauer Burgunder tardif…
Pour les amateurs, signalons que la route des vins de Bade déroule son tracé à l’ouest du massif, depuis Baden-Baden au nord jusqu’aux portes de Bâle au sud. En chemin, splendides points de vue sur les vignobles, les villages de vignerons, les vieilles maisons à pans de bois et les domaines imposants. Roboratif, évidemment, mais consistance peut rimer avec haute gastronomie. En témoigne le village de Baiersbronn. Il héberge la plus haute densité de restaurants étoilés d’Allemagne: deux établissements trois étoiles au Michelin et un deux étoiles. Pour se loger, le choix est très large. La Forêt-Noire héberge nombre de complexes hôteliers, parfois de grand luxe, offrant toutes les commodités. Mais les amateurs d’authenticité préféreront sans nul doute les établissements plus modestes: auberges de village, pensions et autres maisons d’hôtes (Gasthaus).
Pour les amateurs de ski alpin qui souhaitent séjourner au pied des pistes, une adresse: le Feldberger Hof, l’hôtel le plus haut d’Allemagne, perché à 1.300 m d‘altitude. Un paradis pour les familles avec sa plaine de jeux couverte, son mini-club, sa piscine intérieure pourvue d’un toboggan de 50 mètres et d’une pataugeoire. En hiver, devant la porte, école de ski, location du matériel et remonte-pentes permettant d’accéder au domaine skiable du Feldberg.