
Ski vert: greenwashing ou réalité?

L’an dernier, les polémiques se sont enchaînées. Déjà, mi-octobre, les images d’une piste enneigée sous 15 degrés au milieu d’un paysage bien vert, dans la célèbre station autrichienne de Kitzbühel, choquent l’opinion. À Bessans aussi, en France, la saison a commencé tôt, pour permettre aux athlètes du biathlon de concourir. Dans les deux cas, l’or blanc est issu du ”snowfarming”. La pratique consiste à récolter la neige de l’année précédente et à la stocker, sous bâche ou sous une couche de sciure. 80 % de cette neige est ainsi préservée de la fonte.
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La pratique semble plutôt verte… Sauf qu’il faut creuser les réservoirs et convoyer, avant et après, la neige sur les pentes. Ces réserves sont aussi censées alimenter la haute saison. Utilisées pour le “ski d’automne”, elles devront être remplacées par les canons à neige énergivores. Autre exemple ahurissant: 80 hélicoptères ont convoyé de la neige du haut de la montagne jusqu’aux pistes, à Montclar dans Les 2 Vallées, en décembre. Il fallait sauver les vacances de Noël. Tant pis pour le coût environnemental. Les skieurs veulent de la ”neige garantie”. Et le réchauffement climatique joue contre les stations (en moyenne altitude, c’est d’ailleurs l’hécatombe).
Vive le train et les luges
Pourtant, ces stations réagissent. Elles passent au vert, ou en tout cas essaient. Le principal impact écologique du ski, en termes d’énergie et de carbone, c’est le transport. Il concerne la vie en station et le trajet pour s’y rendre. Sur ce point précis, en France, on constate que du travail est fait. Les lignes de TGV sont efficaces, les navettes sont organisées vers les pistes. Dans les stations, des lignes de bus acheminent les vacanciers jusqu’aux télésièges. Et le “tout au piéton” devient de mise et les rues accueillent toujours plus de luges. Mais, à côté de cela, paradoxe, la politique touristique vise aussi à séduire une clientèle internationale. L’aéroport de Grenoble-Alpes-Isère représente 400.000 passagers par an et 15 % des vacanciers de la neige.
Outre le transport, les dommages des sports d’hiver à la montagne et au climat sont légion. Les pistes elles-mêmes nuisent à la biodiversité, coupent les territoires d’espèces menacées, réduisent les habitats de la faune et abîment la végétation. Leurs création et entretien sur les glaciers accélèrent la fonte de ces derniers. Les bâtiments, anciens et mal isolés, restent énergivores. Le coût énergétique des dameuses au gasoil, canons à neige et autres remontées mécaniques est non négligeable. Les nouvelles infrastructures ludiques (aquaparcs, spas, piscines chauffées…) augmentent encore l’impact carbone. Pour alimenter les canons à neige, on creuse des étangs artificiels à proximité. Ajoutez l’attitude des skieurs: l’année passée, juste à Courchevel, on a ramassé 880 kg de déchets et 6.600 mégots dans la nature.
Les labels à suivre
Pourtant, en général, on avance. Les tracés des pistes sont soumis à des études d’impact environnemental. Les câbles de haute tension sont peu à peu enterrés, pour protéger les oiseaux. Les remontées mécaniques
nouvelle génération utilisent des systèmes éco-durables, qui réduisent la pollution sonore et la consommation d’énergie. On voit apparaître des éoliennes, panneaux solaires, usines hydroélectriques… Le chantier reste énorme, surtout que ces initiatives émanent de décisions internes et locales disparates. Pour encourager la prise en compte de l’environnement dans le tourisme montagnard, l’association Mountain Riders a créé le label Flocon Vert (www.floconvert.org). Pour obtenir cette certification, les stations doivent répondre à 21 critères.
Cela va de la gestion du manque de neige à l’impact paysager, l’aménagement, la sensibilisation des visiteurs, la politique d’éclairage, les transports, le tri, le compostage… Six stations ont reçu leur Flocon: Valberg (Alpes du Sud), Chamrousse - photo - (Belledonne- Alpes, qui a également obtenu le Trophée des Cimes Durables), La Pierre Saint-Martin (Pyrénées), Les Rousses (Jura), Châtel Portes du Soleil (Alpes du Nord) et la vallée de Chamonix-Mont-Blanc (Alpes du Nord). Pour bien choisir son lieu de vacances, on peut aussi traquer la norme ISO 1400 du management environnemental. Elle mesure l’impact des rejets dans l’eau, l’air, la contamination des sols, l’utilisation des carburants et des ressources naturelles. Enfin, pour les hébergements, l’Ecolabel et la norme de construction HQE marquent les habitations durables, qui respectent l’environnement naturel et utilisent efficacement l’énergie.
Les petits cailloux font les belles montagnes
Quelques bonnes résolutions pour les consommacteurs
. Limitez la consommation en station (vivres, équipements…).
. Triez les déchets.
. Emportez un cendrier sur les pistes.
. Louez votre matériel. En cas d’achat, optez pour des matériaux plus durables que le carbone. De plus en plus d’équipementiers proposent désormais des skis à base de peuplier ou de bambou (Rossignol, Liberty, Salomon).
. Faites attention aux détails. L’E-Wax de Vola Racing à base de cire d’abeille et composants végétaux évite de polluer la neige.
. Évitez le polaire, au profit du Power Air de Polartec, réalisé à base de matériaux recyclés dont les fibres solides génèrent moins de microparticules au lavage.
. Empruntez les vêtements ou choisissez des basiques de marques plus responsables et des collections bios (Patagonia, Millet, Picture, Trilogy…).