Marcher et se retrouver

Sorte de méditation en mouvement qui libère des tensions, oxygène le cerveau et reconnecte à l’instant présent, la promenade dans la nature n’incite qu’à une chose: se mettre en chemin.

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L’industrie automobile fit jadis de la voiture un symbole de liberté. En 2020, le symbole de liberté c’est la marche, qui rencontre un engouement mondial. Randonnée dans le désert ou l’Himalaya, pèlerinage à Compostelle, promenade du dimanche dans la forêt ou balade quotidienne au parc d’à côté, mettre un pied devant l’autre, puis recommencer, c’est choisir la lenteur. C’est appuyer sur la touche “pause” de la performance, (re)connaître la valeur des choses simples. Un acte gratuit aux multiples bienfaits que beaucoup ont adopté pendant le confinement, chérissant ces quelques pas dans leur quartier comme une parenthèse salutaire dans l’angoisse ambiante. Prendre aujourd’hui le temps d’ancrer la marche dans son quotidien déconfiné, c’est se faire du bien par une activité physique bénéfique, mais aussi investir dans son bonheur intérieur brut, en profitant des endorphines et de la sérotonine sécrétées, antidépresseurs naturels.

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Calmer le mental

La marche est automatique puis, au fil des pas, on reprend conscience de son corps, on se le réapproprie pleinement en écoutant chaque sensation, ce qui permet à l’esprit souvent hégémonique de retrouver sa juste place”, explique Joëlle Thirionet, psychanalyste, psychothérapeute et animatrice de Marches conscientes en silence. “La marche calme les questionnements, les doutes, permet de se lâcher et d’être en harmonie, en respiration avec la nature. Les pensées peuvent venir, survenir, advenir… L’esprit peut se vider et se ressourcer”, poursuit-elle. Une telle oxygénation du cerveau est favorable au changement d’angle de vue, à la prise de recul, avec l’apparition de nouvelles perspectives. De grandes idées émergent ou s’associent souvent plus librement lorsqu’on est en mouvement, raison pour laquelle certaines entreprises ont lancé le concept de réunions en marchant ou walk & talk, plus informelles, dynamiques et stimulant la créativité de leurs quelques participants. La position verticale du corps “qui va de l’avant, dans un élan, une pulsion de vie” est synonyme d’enracinement, ce qui renforce la confiance et l’estime de soi. “La terre nous apporte une sécurisation. S’y allonger ou se coucher sur l’herbe ou le sable chaud lors d’une balade peut reconnecter nos mémoires cellulaires primordiales à la sécurité de l’utérus maternel. Cela nous relie à nos besoins essentiels, à nos talents et nos véritables envies”, complète la psychanalyste. La promenade délie aussi les tensions qu’imprime le stress sur le corps et le visage. “Au début d’une marche consciente, je vois souvent un pli entre les sourcils, une tension dans les mâchoires, des mains crispées, les trapèzes, le dos, la nuque qui sont tout tendus. Tout se relâche petit à petit au cours des deux heures de balade. Avant de partir, nous commençons toujours par des respirations et un “scan” corporel - technique de méditation de pleine conscience qui passe en revue toutes les parties du corps.” La respiration est en effet centrale dans le processus de relaxation qui s’enclenche au rythme lent des pas. “ Quand chacun évolue tranquillement, la respiration s’harmonise avec le rythme cardiaque, c’est ce qu’on appelle la cohérence cardiaque. On peut amorcer cet effet qui permet d’atteindre un état de calme profond en marchant cinq temps d’inspire puis cinq temps d’expire, peu importe le nombre de pas, pendant cinq minutes. Si on répète cette respiration plusieurs fois par jour, en mouvement ou pas, on se relaxe intensément et donc on booste son immunité. Parce que notre immunité si précieuse est surtout entamée par les peurs.” Se promener dans la nature a également le pouvoir magique de nous ramener illico dans l’ici-maintenant, ce qui n’est pas négligeable à une époque aussi virtuelle que la nôtre. Le moment idéal pour une plongée en soi si l’on est seul ou, si l’on est en groupe, pour entamer une conversation en étant totalement disponible, en offrant une écoute d’une meilleure qualité et en partageant ses émerveillements au gré des chemins. “On ne fait rien en marchant, rien que marcher. On peut retrouver le pur sentiment d’être, redécouvrir la simple joie d’exister, celle qui fait toute notre enfance en fait. Ainsi la marche, en nous délestant de l’obsession du faire, nous permet à nouveau de rencontrer cette éternité enfantine, dans l’émerveillement et la contemplation des beautés.”

Réveiller les sens

Impossible d’avancer dans une forêt sans avoir les sens stimulés à 360°, entre senteur d’humus, tapis de feuilles qui craquent, nuances de verts qui miroitent selon la luminosité. “Marcher dans la nature permet d’être présent à ses cinq sens, poursuit Joëlle Thirionet. On développe l’observation du très grand au très petit, avec le sentiment d’appartenir au monde. On est en connexion avec le vivant par les couleurs, chacune produisant un effet particulier en nous-même. En écoutant avec attention tous les bruits de la nature, on a le sentiment d’en faire partie: chant des oiseaux, vent qui souffle et secoue les branches, les feuillages, insectes qui bourdonnent… On savoure la chaleur du soleil sur la peau, on sent la pluie, on goûte l’eau vive d’un petit ruisseau dans le creux de sa main ou les plantes sauvages comestibles si on les connaît. En fait, on célèbre le vivant par tout ce que la nature a créé et on se remet en lien avec elle.” Cette fête des sens et cette joyeuse communion avec la nature ont pour effets de nous rendre plus réceptifs à nos émotions et de nous recentrer sur qui l’on est réellement, au-delà de tout formatage et conditionnement social, et sur ce qui compte le plus à nos yeux.

Pour aller plus loin

Le Centre Ressourcements
Si vous êtes intéressé par les questions d’harmonie, d’énergie et de bien-être, Joëlle Thirionet a créé en 1992 le Centre Ressourcements qui propose diverses techniques de massage et de relaxation. D’autres ateliers ont pour but le renforcement de la sécurité intérieure, une meilleure nutrition, le dialogue avec les animaux ou encore l’évolution de soi par la danse africaine. www.ressourcements.be

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