Voyage: quel avenir pour le low cost?

Le modèle des vols à bas prix est régulièrement mis en difficulté ou remis en question. Pourtant, les spécialistes prédisent qu’ils ont encore de beaux jours devant eux.

ryanair compagnie aérienne low cost
Certains pays ont interdit les vols courts pour lesquels il existe une alternative en train. © BelgaImage

Entre le 22 et le 24 avril, plus de 280 vols décollant ou atterrissant dans les aéroports de Zaventem et de Charleroi ont été annulés. En cause: une grève des hôtesses de l’air et stewards de Ryanair. Ils demandaient de rediscuter leurs salaires et primes. Quelques jours plus tôt, des préavis de grève avaient aussi été lancés en France, dans tout le secteur des vols à bas prix. Ryanair, mais aussi Vueling ou Volotea… Les demandes étaient quasi identiques: une hausse des rémunérations et de meilleures conditions de travail, surtout après les efforts liés à la crise Covid.

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Les modes de fonctionnement de ces compagnies d’aviation low cost sont connus: couper dans les dépenses autant que possible, à tous les niveaux. Chaque détail compte, fût-ce au détriment de leurs employés. Mais ces entreprises ont aussi permis à de nombreuses familles à faibles revenus de voyager, de voir des villes et pays qu’elles n’auraient jamais pu visiter autrement. ­Pourront-elles continuer longtemps à proposer une telle offre? Mouvements sociaux, hausse des prix de l’énergie, changement climatique… Ces modèles de compagnies aériennes sont-ils voués à disparaître?

Si elles se retrouvent forcées de mettre la clé sous le paillasson, cela ne devrait pas être dû à un manque de demande de la clientèle. “De manière générale, dans tous les secteurs, le modèle low cost aura toujours un avenir. Dans l’aérien, il est associé à la possibilité de voyager à meilleur prix et plus vite qu’avec les autres moyens de transport, commente Alain Decrop, professeur de marketing à l’UNamur, spécialisé en économie du tourisme. Cela crée un effet d’aubaine chez le consommateur. L’argent mis de côté pour les vacances permet de voyager plus souvent ou de séjourner plus longtemps.” Pour perdurer, ces compagnies devront alors régler la problématique de leurs effectifs. Sinon, les grèves continueront d’être aussi fréquentes. Mais améliorer les conditions de travail et les salaires nécessiterait probablement de répercuter ces coûts sur les billets des clients. Ou de continuer de jouer avec les limites de l’acceptable pour leurs employés. Sauf que malgré ce contexte, trouver des travailleurs ne pose pas problème. “Le secteur aérien n’a toujours pas repris son niveau de 2019. Les compagnies traditionnelles ne tournent pas encore à plein régime et donc il y a beaucoup de main-d’œuvre disponible sur le marché, main-d’œuvre prête à accepter les conditions parfois terribles du low cost, qui nécessite beaucoup de personnel.

Ces postes d’accueil ou de personnel de bord ne demandent pas beaucoup d’expérience ou un grand diplôme. Ils permettent à des personnes peu qualifiées de nourrir leurs familles. De plus, certains ­trouvent des avantages au modèle low cost, notamment la maximisation du nombre d’allers-retours par jour. “Chaque soir, vous rentrez dormir chez vous, ce qui offre une qualité de vie que ne proposent pas des compagnies traditionnelles. Souvent, on est obligé de passer des nuits à l’hôtel à l’autre bout du monde, parfois seul”, rappelle Frédéric Dobruszkes, chercheur et enseignant en géographie à l’ULB.

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© Unsplash

Écolow cost?

Autre challenge pour la pérennité de l’aérien low cost: la question écologique. Est-ce encore raison­nable à l’époque du changement climatique que des vols pour des destinations si peu éloignées soient si peu chers? Certains pays, comme la France et l’Autriche, ont interdit les vols courts pour lesquels il existe une alternative en train. Si d’autres États rejoignent le mouvement, ou vont même un pas plus loin dans cette direction, les compagnies ­aériennes à bas prix pourraient se retrouver sérieusement pénalisées. “Pourtant, il s’agit d’une idée foncièrement inefficace d’un point de vue environnemental”, explique le professeur, qui reconnaît qu’il tient un discours qu’on entend peu. “On parle trop souvent d’inefficience environnementale, soit la quantité d’émissions de gaz à effet de serre par passager par kilomètre. Mais le climat, il ne dépend pas de l’efficacité, il dépend de la quantité de gaz à effet de serre émise. Et donc, un vol Bruxelles-Lyon, même s’il est absurde en soi, sera moins nocif pour la planète qu’un Bruxelles-Tokyo.” Ce sont donc les vols pour les destinations lointaines qu’il faudrait interdire pour réduire l’impact de l’aviation sur le climat. Ce qui ne devrait pas arriver, et qui, de toute façon, ne concerne pas le low cost. En Belgique et dans l’Union européenne, une des solutions préconisées est plutôt celle de la taxation kérosène. Un vol courte distance coûte donc quelques euros de plus au client, mais pas de quoi le rebuter. “Ce n’est pas ça qui va changer les ­comportements, affirme Alain Decrop. C’est une goutte d’eau par rapport au budget global du voyage.”

Plus cher, mais moins cher

Autre coup dans l’aile pour le secteur: la popularisation du télétravail et des réunions en vidéoconférence. En effet, une partie de la clientèle de l’aviation est composée de femmes et hommes d’affaires voyageant pour des meetings, qui se tiendront désormais par écrans interposés. “Il y a des voyages d’affaires dans le low cost. D’ailleurs, certains vols ne sont proposés que par ces compagnies, précise Frédéric Dobruszkes. Puis la question de la praticité joue aussi. En Belgique par exemple, il est parfois plus facile de rejoindre ­Charleroi que Zaventem.” Malgré toutes ces difficultés, sans parler de la hausse du prix des énergies qui touche le monde entier, nos deux experts ne voient pas le modèle de la compagnie low cost disparaître de sitôt. “Les écarts de prix ne seront peut-être pas aussi importants qu’à l’heure actuelle et le prix d’entrée de gamme ne sera probablement pas aussi bas qu’actuellement. Le prix plancher augmentera sûrement plus que le prix plafond, qui devra rester acceptable pour le client”, commente Alain Decrop. “Impossible de faire des prévisions économiques pour les 15 prochaines années, mais je ne vois pas ce qui empêcherait ces sociétés de ­perpétuer leur stratégie de rentabiliser leurs avions avec une utilisation intensive, plus de rotations par journée qu’une compagnie classique et donc de maintenir un écart de prix avec ces dernières, peu importe le coût du carburant ou du personnel”, conclut Frédéric Dobruszkes.

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