
Destination Belgique: dépaysement total en Gaume

Marier un univers légendaire, riche et varié à un imposant réseau de chemins aménagés était voué à la réussite. C’est probablement ce qui a convaincu les différents organismes touristiques gaumais de faire fleurir des sentiers ludiques et didactiques dans les magnifiques bois du coin. À Virton et à Rulles, le Sentier des Songes (1 km) et la Balade du chemin des côtes (1 km) emmènent le promeneur à la découverte de créatures magiques. À Étalle, des fées guident jusqu’à leur mystérieux rocher à condition de réussir correctement leurs missions sur un gros kilomètre. Entre les deux, le Sentier Bayard prend la forme d’un escape game de 6,5 km en plein air. Maugis le magicien réclame l’aide des randonneurs pour retrouver et sauver l’équilibre de la magie, mis à mal par la disparition du cheval Bayard, en résolvant plusieurs énigmes au fil du parcours. “Beaucoup de légendes se sont développées sur un plan très local, explique Didier Culot, le conservateur du Musée gaumais. Il existe bien quelques personnages communs comme Djean d’Mâdy, les quatre fils Aymon, le cheval Bayard ou les fées, qui remplacent les lutins ardennais, mais pratiquement chaque village a son propre folklore.”
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Ce qu’on voit à Rossignol
À Rossignol, ce sont les références au volatile éponyme - et à l’univers des oiseaux en général - qui agrémentent la balade autour du Sentier des Plumes. Elle prend son départ dans le charmant petit parc Tiers-Lieu, celui-là-même où se déroule le Gaume Jazz tous les ans au mois d’août. La signalétique n’est pas très claire, mais on se retrouve facilement au pied d’une première créature mi-sauterelle mi-voiture qui fait aussi office de mini-table de pique-nique. Plus loin, un nid géant, un xyloplume et des arbres garnis de poèmes blancs constituent les autres œuvres de land art réalisées par des artisans locaux à l’orée de ce bois lumineux de neuf hectares. L’occasion d’en apprendre plus sur de nombreux arbres remarquables (hêtre pourpre, tulipier de Virginie, frêne…) avec l’aide - non indispensable - de l’application Izi Travel. Arrivé au terme de la balade, impossible de passer à côté du Centre mémorial sur la Première Guerre mondiale. Planté au centre du parc, il braque ses projecteurs sur une page peu connue de la Grande Guerre: le 22 août, la 3e division d’infanterie coloniale française s’est ainsi avancée dans la forêt qui borde Rossignol sans connaître la position ennemie. Les combats ont alors débuté, à l’ombre des arbres puis dans le parc du château. Bilan: 2.800 tués côté français, 1.400 côté allemand. C’est leur histoire que raconte ce centre moderne et épuré, ouvert le mercredi et le dimanche.
Perché au sommet du front de la cuesta bajocienne, Montquintin appartient à un monde qui n’existe plus. Les ruines d’un château féodal du XIe siècle colorent le centre du patelin, où les quelques maisons présentent de séduisantes façades en pierre jaune et où la très belle plaine de jeux qui jouxte l’église Saint-Quentin offre une splendide vue panoramique sur la région de Virton.

© Emilien Hofman
Jolis villages
En Gaume, les amateurs d’exploration rurale trouveront leur bonheur en visitant les villages qui donnent ce sentiment d’être ailleurs, quelque part en France. Fratin et son étrange château d’eau en font partie. Épousant la forme d’une araignée dont le corps serait la place de l’église et les pattes les rues, ce village de l’entité d’Étalle a la particularité de conserver de nombreux usoirs en bon état. Au Moyen Âge, il s’agissait de l’espace entre la voie publique et le bâtiment où étaient entreposés foins, fumier ou bois. “Les gens se partageaient ces usoirs dans un esprit communautaire, précise le conservateur Didier Culot. Par la suite, les pouvoirs publics ont récupéré la propriété des usoirs pour y installer des services de voirie. À Virton, Tintigny ou Florenville, ils ont totalement disparu.” Ailleurs, ils sont généralement privatisés et transformés en jardins ou en places de parking, comme à Fratin, Chantemelle ou Bellefontaine, ce petit village dynamique de la commune de Tintigny.
Point de chute du dramaturge français Hyacinthe Dorvo au début des années 1800, Bellefontaine tient sans surprise son nom des nombreuses sources et fontaines qui jaillissaient aux quatre coins de son territoire au XIIIe siècle. Cinq points d’eau garnissent encore le patelin. Le plus imposant de tous, un lavoir en cave-haute, trône en plein centre, orné de spirales en fer forgé et de très belles œuvres en osier et en acier. Un hommage à l’époque où cette place publique tenait un peu le rôle de café. “Depuis 30-40 ans, un très grand nombre de villages gaumais prennent soin de leurs lavoirs, reprend Didier Culot. S’ils ne sont pas tout simplement restaurés, ils sont reconvertis, comme à Rulles, où il occupe désormais la fonction de maison de village. C’est une forme d’appropriation du patrimoine matériel par les villageois.”
À Gérouville, c’est un arbre qui fait la fierté des habitants. Planté au XIIIe siècle, il fut déraciné par une tempête et racheté par un privé qui creusa une banquette en son sein. Restauré il y a quelques années par la commune, il est le lieu de rassemblement des jeunes et un des emblèmes de la Géroublonnade, la traditionnelle fête des bières (locales) au village. D’autres événements plus ponctuels font la part belle aux produits du coin, comme le marché Effet local à Virton chaque troisième dimanche du mois, et la Halle de Han, qui reçoit tous les vendredis après-midi les producteurs locaux dans son entrepôt pour un rassemblement chaleureux et festif. Au lieu-dit de la Porte de La Roche, l’une des deux anciennes portes d’entrée médiévales de Virton, la petite place Georges Lorand est animée par un kiosque, un barista et un restaurant. La Grand-Rue qui s’en échappe est une artère à moitié piétonne dynamisée par l’arrivée récente d’un barber shop, un restaurant de nourriture locale, un salon de dégustation ou encore un magasin de vrac.
Virton l’oubliée
À côté de la très fréquentée Florenville, la capitale de la Gaume fait pourtant office d’oubliée du tourisme. Une réputation héritée de ces années où la ville s’est engoncée dans une démarche de rasage qui a eu pour conséquence l’apparition de zones noires et la disparition des commerces. “Depuis une dizaine d’années, les choses sont heureusement en train de changer, observe Didier Culot, dont le musée se situe à deux pas du centre. L’avantage de Virton, c’est de n’avoir jamais développé de grands centres commerciaux. Fatalement, les gens vont d’abord chercher sur place avant de courir à Messancy ou Arlon. La crise actuelle, favorable aux commerces de proximité et au circuit court, achève de redynamiser le centre.” Virton, c’est une belle Grand-Place rénovée à l’ombre de l’église néoclassique Saint-Laurent, d’un jaune perçant à l’allure provençale. C’est aussi des ruelles en pavé qui s’enfuient vers la rivière du Ton ou les quartiers résidentiels. C’est également un club de foot centenaire que l’on peut encore apprécier dans son chaleureux stade du bas de la ville. Et puis Virton, c’est aussi cette somptueuse bibliothèque installée sur trois étages au sein d’une église désacralisée. Un mélange d’ancien et de moderne qui convainc définitivement que oui, ça vaut la peine de venir si loin.
En pratique
Séjourner
Le château de Latour est perché sur une butte à la sortie de Virton. De la terrasse,
la vue est idéale pour prendre le petit-déjeuner. chateaudelatour.be
Manger et boire
Un café et un restaurant côte à côte dans le bâti et le jardin d’une ancienne ferme.
Le tableau a de quoi séduire, la réalité aussi. À Fratin, le mélange Point B’arts et Lady Green fonctionne à tous les coups. Le Point B’arts sur Facebook - lady-green.be