À Charleville-Mézières sur les pas de Rimbaud : notre parcours

il est un lieu rassembleur, d’une rare élégance, où bat le cœur de Charleville-Mézières, c’est la place Ducale, le centre d’une cité idéale dont le prince Charles de Gonzague, d’origine italienne, lance le chantier en 1606 . Elle fait 127 mètres de long, 90 de large et abrite 27 pavillons de style Henri IV sur trois côtés. Le quatrième devait accueillir le palais du Prince, mais les deniers vinrent à manquer... Plus tard, on y construira la mairie. Quoi qu’il en soit, à Charleville, la place Ducale reste le cœur vif de la ville. On y mange, on y boit, on y papote, on s’échange des selfies sous les arcades ou sur les terrasses. Et Rimbaud dans tout cela? Ceux qui auront pris le train pour venir à ­Charleville auront déjà découvert le buste en bronze du poète dans le square proche de la gare, un espace dédié aux promeneurs. Après un petit passage par l’Office du tourisme, installé place Ducale, il n’y a plus qu’à s’immerger dans l’univers du poète au Musée Arthur Rimbaud.

Installé au sein du Vieux Moulin de Charleville, au bord d’un bras de Meuse, construit en 1626, rénové en 2014-2015, tout en conservant la façade du ­bâtiment classé monument historique, il offre au visiteur une muséographie moderne. On y découvre aussi des autographes de Rimbaud, des œuvres d’artistes inspirés par les écrits du poète, son amitié avec Georges Izambard, son prof de rhéto, ses fugues répétées, des objets rapportés de son périple africain, de rarissimes photos du poète, une impressionnante série de portraits du poète signés Picasso, Sonia Delaunay, Miró, ­Giacometti, Fernand Léger ou encore Robert Mapplethorpe. Et bien entendu, il est aussi question dans ce parcours de sa rencontre en 1871 avec Paul Verlaine qui l’invite officiellement à Paris. “Venez chère grande âme, on vous appelle, on vous attend!”

Le Musée Rimbaud, récemment rénové. © www.charleville-mezieres.fr

Chaises-poèmes

La complicité poétique et intellectuelle deviendra rapidement passionnelle, conflictuelle. À Bruxelles en 1873, Verlaine tire un coup de revolver, blesse Rimbaud. Deux ans de prison. Rimbaud rentre, lui, à Charleville et rédige Une saison en enfer. Fin de l’histoire amoureuse. Et fin de la poésie pour ­Rimbaud qui parcourt le monde, s’installe à Harar (Éthiopie), se lance dans le négoce de café. En 1891, une douleur au genou droit exige son rapatriement, puis l’amputation. Il meurt le 10 novembre 1891. Ses écrits commençaient à être publiés.

La visite se prolonge en face du musée par celle de la Maison des ailleurs où la famille Rimbaud s’est ­installée dès 1869. Le jeune Arthur y vit au moment de ses fugues et de ses départs. C’est là sans doute qu’ont été rédigés certains de ses ­poèmes mondialement connus... Les deux sites - le musée et la maison - sont joliment reliés par des chaises-poèmes. Véri­tables sculptures, elles accueillent au côté d’extraits de vers d’Arthur Rimbaud des textes d’artistes franco­phones de Suisse, de Belgique, du Cameroun, d’Algérie... Cette installation poétique dans l’espace public se prolonge dans la cité par des peintures murales se confrontant au texte de ­Rimbaud. Sur un mur de la Médiathèque Voyelles, l’entièreté du célébrissime poème… Voyelles: “A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu”. Et sous ce déroulé apparaît une ­caricature d’Arthur Rimbaud par Manuel Luque, parue en 1888 dans la revue Hommes d’aujourd’hui.

Dans une promenade ­agréable, on passe de fresque en ­fresque, une ­douzaine à ce jour, avec Ma bohème, Le dormeur du val, Le bateau ivre. Ou encore Aube. Ce poème en prose est publié pour la première fois en 1886, alors qu’Arthur Rimbaud a déjà abandonné la ­poésie. À Charleville, il accom­pagne une fresque ornant une maison d’habitation. On y voit une énigmatique et fuyante déesse ­traversant les yeux fermés une forêt de sapins. À la recherche peut-être d’inspiration?

La fresque Ma bohème ornant une maison d’habitation.