Perdre une étoile Michelin, est-ce si grave que ça?

Le Comme Chez Soi n’a plus qu’une étoile dans l’édition 2022 du guide Michelin. Une perte qui a choqué tout le monde, les restaurateurs en premier, mais rien d’insurmontable.

Lionel Rigolet perd une étoile
Lionel Rigolet ne devrait pas trop s’inquiéter. (@CommeChezSoi – Facebook)

Coup de tonnerre hier dans l’Horeca bruxellois. Alors que la Belgique accueille désormais un troisième restaurant triplement étoilé et qu’une quinzaine d’établissements se voient remettre leur premier macaron, on apprend que Michelin ôte une étoile au célèbre restaurant Comme Chez Soi, institution de la gastronomie de la capitale.

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Gros coup dur pour le chef Lionel Rigolet et son épouse Laurence Wynants, à la tête des lieux. «On ne s’y attendait pas du tout. Nous sommes dans la surprise et la tristesse», a réagi la patronne dans La Libre. «Énormément de gens pensaient qu’on allait plutôt vers la troisième étoile.»

«Les clients sont super-heureux, le restaurant ne désemplit pas… On ne comprend pas, c’est très difficile à vivre», a commenté le chef à l’agence Belga, qui dit n’avoir pas rencontré de critiques du guide depuis longtemps. «On nous assure qu’il s’agit d’inspecteurs venant de l’étranger. Soit, mais d’ordinaire l’inspecteur paye sa note puis se présente. Ici, rien depuis trois ans…».

Quand on connait le rythme de vie imposé par un établissement Horeca de prestige, difficile de ne pas mal accueillir cette nouvelle. Mais une fois le choc passé, est-ce si grave? Pas forcément.

Perte de rentabilité

D’après plusieurs spécialistes, perdre une étoile a souvent un impact économique. C’est en quelques sortes un contrecoup. Si gagner une étoile vous permet d’attirer des clients, de séduire des investisseurs, l’inverse est vrai aussi. «Obtenir une étoile va booster en moyenne de 80% le chiffre d'affaires sur trois ans», expliquait Olivier Gergaud, professeur d’économie qui étudie le sujet du gain et de la perte des étoiles Michelin au JDD en 2020. «Les prix augmentent de 25 à 30% par niveau, il y a plus de gens qui veulent manger dans l'établissement, vous gagnez en notoriété et en confiance auprès des investisseurs et des consommateurs.»

Evidemment, en cas de rétrogradation, c’est l’inverse. «En moyenne, quand il perd une étoile, un restaurant voit sa rentabilité passer de 3% en bénéfice à -2% en perte.» Même les plus réputés sont concernés. Certains, incapables de remonter la pente, sont passés de 3 macarons à 1 en quelques années.

Mais si le risque est réel pour les restaurateurs, il ne l’est pas pour les clients. Ce n’est pas parce qu’un établissement descend de statut que la nourriture y est moins bonne. Au contraire, la situation donne parfois un coup de fouet au chef et/ou gérant, qui se sentent obligés de se renouveler.

«Le fait de perdre une étoile apporte une remise en question. Si certains chefs préfèrent jeter l’éponge, d’autres veulent comprendre et ont envie de progresser pour retrouver leur macaron. Chaque restaurant va aussi réagir à sa façon suivant que le chef soit seul ou qu’il y ait derrière un gros actionnaire», expliquait Franck Pinay-Rabaroust, rédacteur en chef d’Atabula, média spécialisé sur la gastronomie au Huffington Post, ajoutant que les étoiles perdues se récupèrent «bien plus rapidement qu’auparavant où il fallait attendre 4, 5 ou 6 ans pour la récupérer».

Pas si grave

Enfin, même si ce n’est pas facile à vivre, surtout lorsque, comme beaucoup de chefs, on dédie sa vie à son métier, perdre une étoile n’est pas une fin en soi. Cela est arrivé à de prestigieux restaurants, comme au Bocuse à Paris, en janvier 2020, ou au célèbre chef chapeauté Marc Veyrat, qui a perdu sa troisième étoile en 2019. Chose qu’il a très mal prise, puisqu’il a été jusqu’à porter plainte contre le petit guide rouge. Dans l’édition 2022, suite à la fermeture de son restaurant, il n’en a plus une seule. Pourtant, fin décembre 2021, il déclarait que son établissement était en grande rénovation et comptait en ouvrir un second, parmi plein d’autres projets. Cela ne ressemble pas à une fin de carrière...

D’autres ont même décidé de rendre leurs étoiles. Ce fut notamment le cas de chefs triplement étoilés et très réputés comme Sébastien Bras ou Antoine Westermann. «Depuis qu'ils ont rendu leurs étoiles, ils n'ont pas baissé leurs tarifs ni leur niveau de qualité. Quitter le guide leur a même permis d'augmenter leur rentabilité», commentait Olivier Gergaud. Sans compter, un gros paquet de stress en moins sur leurs épaules.

Puis le Comme Chez Soi aussi a déjà perdu une étoile par le passé, en 2006 lorsque Pierre Wynants a passé le flambeau à Lionel Rigolet, son beau-fils, perpétuant la tradition familiale. L’établissement n’a pas perdu sa réputation pour autant et dans l’autre guide, le Gault&Millau, les excellentes notes ont continué de le classer parmi les meilleures tables du pays. Car effectivement, n’oublions pas qu’il n’y a pas que le Michelin dans la vie...

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