
Tour de France: 20 étapes, 20 adresses et spécialités culinaires

Jour 1: Copenhague
Évoquer la ville de départ sans évoquer le Noma, c’est un peu parler de Paris sans citer la tour Eiffel. C’est que la mutation nordique est gigantesque. En une vingtaine d’années. On part du smørrebrød, un morceau de pain noir garni de hareng mariné ou de gravlax (jusque-là, définitivement la plus notable participation danoise à la culture gastronomique mondiale) pour arriver au resto ultime, carrément cultissime. René Redzepi est devenu un phare planétaire dans un monde culinaire en mal de repères. Ses apports culinaires influent déjà sur nos assiettes, c’est dire sa pertinence.
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Refshalevej 96, 1432 København K. www.noma.dk

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Jour 2: Roskilde
Il y a quelques années déjà que la cité est synonyme d’un festival rock de très haut vol. C’est aussi l’occasion de goûter une blonde locale. Pas question ici de vous indiquer l’une ou l’autre adresse, mais bien de vous décrire en quelques mots le fruit des élucubrations de Carl Jacobsen. C’est homme entré dans l’histoire grâce à la “montagne” sur laquelle fut bâtie la première brasserie du groupe Carlsberg, après avoir subtilisé des levures à Pilsen. Aujourd’hui, l’entreprise de taille mondiale est la propriété d’une fondation qui mène des recherches permanentes en vue d’améliorer globalement la production de la bière et dont les résultats sont partagés gratuitement.
Jour 3: Vejle
Nous sommes à quelques kilomètres à peine d’Alborg (prononcez “Olbor” pour tenter de faire local). C’est là que l’on élabore le plus célèbre des aquavits locaux. Très à la mode chez nous à la fin des années 80, c’est un alcool de fond de bar aujourd’hui. C’est une erreur, pour accompagner le gravlax, je n’ai pas encore trouvé mieux que ça.
Jour 4: Dunkerque
Le potjevleesch est la spécialité locale qui se dit “potchesvlees” de notre côté de la frontière. On vous parle de quatre viandes en gelée: porc, veau, poulet, lapin. Traditionnellement la tranche de terrine est servie ensevelie sous les frites pour que la gelée fonde et imbibe les frites qui sont, bien entendu, cuites au blanc de bœuf. Reconnaissons-le, la seule région de France où les frites sont correctement préparées, c’est bien ce coin-là.
Jour 5: Lille
Qui a bu boira, chicorée Pacha. Il y a quelques années, ma grand-mère ajoutait quelques grains de chicorée dans le filtre à café pour donner un peu de moelleux à l’ensemble. Tombée en désuétude, cette racine se refait une jeunesse depuis qu’Arnaud Meunier, un restaurateur travaillant les produits locaux, a décidé d’aller jusqu’au bout de la logique et de remplacer le café par le légume de nos ancêtres. Ça fait boule de neige pour le plus grand plaisir des papilles de tous et toutes.
Jour 6: Binche
La cité de Marie de Hongrie, outre ses remparts fort bien restaurés au demeurant, outre son carnaval mondialement célèbre, peut se targuer de la proximité du plus grand et plus vieux vignoble professionnel de Wallonie. Le Domaine des Agaises et sa célèbre cuvée “Ruffus”, nommée ainsi en mémoire d’un hobereau local au Moyen Âge, est le pionnier en matière de vin effervescent de la région. Avec la sortie récente du millésime 2018, le domaine marque d’une cuvée blanche son anniversaire. Ruffus est aussi le partenaire discret et pas trop collet monté de l’équipe cycliste ProTour Intermarché/Wanty Gobert, locale de l’étape.
Jour 7: Tomblaine
Nous sommes sur la rive de la Meurthe qui fait face à Nancy. Et donc, je m’en vais vous entretenir de bouchée à la reine. Le rapport? C’est à Nancy qu’elle fut créée pour celle qui deviendra l’épouse de Louis XV. Classiquement cette bouchée individuelle de feuilletage se sert en trois services. Les cuisses dans un premier moment, les blancs ensuite et, enfin, les sots-l’y-laisse aux truffes pour terminer. La bouchée est la version individuelle du vol-au-vent. Mais à mon sens, la meilleure bouchée à la reine du monde se mange à Bruxelles, chez Karen Torossian. Un feuilletage inversé, pour servir une poule exceptionnelle.
Jour 8: Dole
Jolie cité du Jura, la ville fut capitale de la Franche-Comté jusqu’en 1676. C’est donc de comté que je vous entretiendrai. Région magnifique, verdoyante, s’il en est, c’est ici que l’on élabore le plus célèbre des fromages à pâte dure français. Grâce à un marketing intelligent, régulier, avec une ligne directrice cohérente, cette production locale est aujourd’hui une des ressources économiques les plus intéressantes du pays en matière d’agriculture. Comté, ô combien de connerie dites en ton nom! C’est pour cela que je vous conseille d’en parler avec un fromager d’exception près de chez vous. Tiens, chez nous, à Hannut, parlez-en avec Maud ou Pascal Fauville. Chez eux, le fromage est un peu plus qu’une religion, c’est carrément une philosophie.

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Jour 9: Aigle
Nous sommes ici dans la patrie du chasselas et l’un de ses plus beaux terroirs. Un château qui date du XIIe renferme un magnifique musée de la vigne et du vin. Du genre qui donne envie de s’asseoir et de rester là pour déguster les magnifiques cuvées produites ici. Mais on bouge ici, et la ville se positionne comme la capitale mondiale du cyclisme. Il est donc normal que le Tour y fasse son cirque.
Jour 10: Morzine
Ce qui est vraiment chouette avec Morzine, c’est qu’il ne s’agit pas d’une de ces stations bling-bling où il faut avoir vendu au moins un rein pour pouvoir séjourner, été comme hiver. Les Belges ne s’y trompent pas et plébiscitent la station depuis des années. Je suis certains que les cyclistes ne se sustenteront pas à coup de berthoud ou de fondue savoyarde aux cèpes à la Ferme de la Fruitière. Et c’est bien con. Faudra qu’ils reviennent parce que c’est définitivement trop bon. Bon d’accord, c’est meilleur en hiver. Mais il fait toujours froid quelque part non?
Route de la Plagne 337, 74110 Morzine
Jour 11: Albertville
C’est le moment de réviser ses a priori. La Savoie ne fait pas que du fendant à s’exploser les dents, il y a des vins de très haut vol dans le coin. Si votre dernier séjour de glisse vous a fait mal à la tête, c’est parce que vous n’avez pas bu local avant d’abuser de chartreuse flambée. Prenez le temps de découvrir les belles caves de la région, vous serez surpris. Le plus joli rayon “vins de Savoie” en Belgique se trouve chez Rob, à Woluwe.
www.robfinefood.be - www.pays-albertville.com
Jour 12: Briançon
Profitons de ce passage briançonnais pour découvrir le Queyras. Une zone fermée comme un cul-de-sac en hiver, sans station mais avec des villages d’altitude, où l’on trouve d’ailleurs la commune la plus haute d’Europe: Saint-Véran. Un peu plus bas, on redécouvre petit à petit des vins locaux, issus de cépages originaux. Le mollard, vinifié de main de maîtresse par Lætitia, la fille de Marc, est joyeux, se boit facilement et, franchement on ne crache pas dessus par une belle journée d’été.
www.vinsdeshautesalpes.fr/domaine-allemand
Jour 13: Le Bourg-d’Oisans
Les Bourcats vous le diront: “Ici on sait ce qui est bon” et ils ont raison. C’est peut-être pour cela qu’un Anglais a jeté l’ancre pour initier les locaux à la bière britonne, mais en la “francisant” un peu quand même. Une “craft” comme on les aime. C’est aussi une belle démonstration qu’en matière de terroir, c’est définitivement l’humain le plus important.
Jour 14: Saint-Étienne
On quitte les Alpes. C’est le moment de noyer son chagrin dans quelque chose de réconfortant. Pas tout à fait à côté mais pas loin, il y a le massif de la Chartreuse. Et qui dit massif, dit abbaye, mais surtout liqueur. Pour rester léger, et pour varier les plaisirs, je vous la propose en cocktail. 5 cl de chartreuse jaune, 10 cl de tonic, ½ tranche de citron, 1 feuille de menthe, des glaçons, et roulez jeunesse. Pas plus de deux à l’heure en regardant les étapes de plat qui arrivent et restez chez vous ensuite.
Jour 15: Rodez
L’Aveyron produit le roquefort, le tripoux, du cou d’oie farci, du foie gras, les farçous (genre d’empanadas à la blette) et le merveilleux aligot. Tant pour le premier que pour le dernier, il faut du fromage. Mais pas n’importe lequel. Saviez-vous que le roquefort vieillissait très bien jusqu’à 48 mois? Pour en savoir plus, je vous recommande d’aller voir un M.O.F., un des meilleurs ouvriers de France. Ils ne sont que 24 actuellement dans le monde. Dont un à Bruxelles… à vous de jouer.
Jour 16: Saint-Gaudens
La spécialité locale emblématique est la mounjetade, le cassoulet du pauvre. Mais bon, vu le climat, je m’en vais vous parler d’autre chose: l’aigo boulido. Je sais, les Provençaux la revendiquent aussi. Mais souvenez-vous que le bon Roy Henry IV croquait de l’ail à pleines dents, ce qui justifie toutes les spécialités à l’ail du Sud-Ouest. Rien n’est plus simple que cette soupe. Ni plus diététique. Bon, c’est vrai, perso, je la lie avec un peu de foie gras pour lui donner plus de consistance. Mais le gras c’est la vie, nous sommes d’accord. Dernier détail avant de vous lancer à l’assaut de ce monument, si vous voulez garder des amis et, éventuellement, une famille: utilisez de l’ail frais. Mais c’est vous qui voyez…
Jour 17: Lourdes
Certes, ici vous trouverez des statuettes en plastique bleu de la Vierge, pleine aux trois quarts d’eau bénite. Avez-vous remarqué, je ne sais pas pourquoi, ces flacons ne sont jamais remplis complètement. Bizarre, non? En parlant de flacon, nous sommes à deux pas de la région du madiran et du pacherenc-du-vic-bilh. Un vin d’exception qui fut longtemps de sa puissance, mais qui depuis une vingtaine d’années se civilise bien. Le plus connu de ces vins est certainement le Château Montus. Une superbe maison qui se fit une réputation dans les années 80 lorsqu’il sortit devant Petrus dans une dégustation à l’aveugle. C’est peut-être un peu too much, mais c’est une belle histoire.
Jour 18: Cahors
C’est d’ici que provient le vin noir qui, à la fin du XIXe siècle, devint un vin d’exception à la cour du tsar. Les missionnaires chrétiens qui tentaient de ramener les croyants orthodoxes sur le chemin de la vraie foi l’utilisaient pour les offices. Le cahors est élaboré avec le cépage malbec, qui s’est fait une réputation récente, en Argentine surtout. Mais la version locale est un rien plus carrée, plus profonde, plus riche. Je voue un culte particulier à la cuvée “Probus” du château Trigedina. Un vin immense, d’une profondeur hors norme, parmi les plus grands du monde.
Jour 19: Rocamadour
D’après Wikipédia, “le rocamadour est un fromage français de chèvre au lait cru entier”. Il appartient à la famille des cabécous. Il est ou a été aussi appelé “cabécou de Rocamadour”. Mais où trouver un bon rocamadour? Pardi! Chez votre fromager. Parce que s’il est le vôtre c’est qu’il est forcément le meilleur. Demandez au président du syndicat national des fromagers de France. Le président belge est aussi un affineur hors pair, demandez lui conseil.
Jour 20: Paris
Et si la véritable spécialité parisienne n’était autre que LE champignon éponyme? Vu la vitesse affichée par les chauffeurs/fards de la cité et des environs, on pourrait craindre qu’ils soient écrasés irrémédiablement. Mais que nenni, la chose survit allègrement et aurait même tendance à s’accélérer de manière exponentielle, année après année. À Bruxelles aussi la situation évolue et il y a une production de produits à se damner. Allez, en route. Avec un filet de citron, c’est toujours un bon début. N’oubliez pas le retour de la crème fraîche et du poivre d’Espelette pour compléter votre salade. Le cas échéant, un peu de ciboulette ciselée finement sera parfait.