Cocktails d'été : les 4 recettes d'Eric Boschman à siroter sous le soleil

Plus qu’une tendance, c’est carrément un phénomène de société. Longtemps réservés à une certaine élite hédoniste, ils se sont popularisés et même imposés pendant les repas.

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Là où les boomers buvaient du whisky-coca, du gin-orange ou du Campari­tonic, les générations suivantes ont cherché d’autres sources de plaisirs ­bibitifs. Ces générations élevées à coup de soda et en quête de sucre assument aussi nettement moins la consommation frontale d’alcool. Souvenez-vous de la vague du Breezer, la limonade dopée au rhum sucré. Combien de très jeunes à l’époque ont découvert l’alcool à travers cela? C’est donc tout naturellement que les entre­prises productrices de spiritueux se sont lancées dans le créneau du mix. De l’alcool avec des jus, des ­aromatisants, du tonic, bref tout ce que votre imaginaire peut mettre à votre disposition, et le tour est joué. On a ainsi sorti de terre les “mixologistes”, qui savent manier les instruments mais sont aussi prêts à supporter des marques fortes, bien sponsorisés et entourés. Certains sont devenus des stars mondiales. Les “événements” de toute nature du début du ­millénaire ont été arrosés, presque systématiquement, par de la mixologie.

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Le cocktail est devenu un champ libre, ouvert à la création la plus débridée, et c’est une bien belle nouvelle. C’est parfois du grand n’importe quoi, mais on ne fait pas d’omelette sans casser d’œufs et la progression se fait aussi par essais/erreurs. Évidemment, il y a une dérive. S’il n’y en avait pas, cela ne serait pas vraiment drôle. Si vous goûtez un mojito à la Bodeguita del Medio à La Havane, une caïpirinha dans un bar de plage à Copacabana et les mêmes chez Jos à Herstal, cela n’aura pas vraiment le même goût. Il faut s’y faire. Herstal est nettement plus facile d’accès. Donc dès qu’il y a de la menthe, du sucre (beaucoup trop), du rhum, du citron vert et de l’eau pétillante, c’est bon et puis basta… Les cocktails sont bien trop souvent nettement trop sucrés et perdent leurs fragiles équilibres. Mais ce que veut le consommateur est la vérité. Un point c’est tout.

Autre évolution, pour les boomers et leurs sem­blables, les producteurs d’alcools classiques in­ventent des cuvées rarissimes à tour de bras. The sky is the limit tarifaire, le reste n’est que marketing bien travaillé. Pour les néo-consommateurs, les mêmes créent sous les mêmes marques des produits abor­dables, attractifs gustativement par leur sucrosité et à des prix “raisonnables”. On upgrade l’alcool de la même manière que toute la filière luxe. D’une part, des trucs inaccessibles pour le quidam qui font rêver. D’autre part, de l’abordable pour que les mêmes quidams puissent accéder à la communauté. Les lunettes solaires “de couturier” en d’autres termes. Ces boissons d’un nouveau genre se sont offert une jolie place au soleil de nos étés. Petit tour d’horizon de nos plaisirs presque innocents.

Le spritz

On le nomme souvent Aperol spritz. L’Aperol était un bitter qui vivotait dans une maison qui avait connu des jours meilleurs. Un directeur marketing plus talentueux que les autres a eu l’idée de ressusciter une vieille boisson: le spritz, qui se nomme ­spritzer là où il est né, à Vienne, en Autriche. La capitale de la Sacher torte est aussi la capitale euro­péenne où l’on trouve le plus grand vignoble. Mais il y fait très chaud en été. Au XIXe, la bonne société de la ville avait pour habitude de se retrouver dans des sortes de guinguettes au milieu des vignes. Pour se rafraîchir sans s’étourdir, les belles de l’époque avaient pour habitude de couper le vin blanc d’eau de Seltz, d’eau pétillante pour faire simple. Cette habitude s’est vite répandue dans tout l’empire ­austro-hongrois, jusqu’à Venise même…

Quand le spritz est revenu dans nos verres sous sa forme nouvelle, il était décomposé en trois mouvements. 1 dose d’Aperol, 2 de prosecco, 3 d’eau pétillante. Cette dernière a rapidement disparu, comme c’est étrange. Juste un dernier détail en ­passant, ceci n’est pas un apéritif même si vous aimez ça. Cela n’ouvre pas l’appétit. Ça aurait même une furieuse tendance à remplir l’estomac d’un liquide très froid. Mais c’est vous qui voyez.

Le gin-tonic

À l’origine de sa création, le tonic contenait de la quinine. Pour tenter d’enrayer les ravages du paludisme sur les colons britanniques un peu partout dans le monde. Mais c’était une boisson terriblement amère de ce fait. Pour rendre cela supportable, nos amis d’outre-Manche eurent tôt fait d’y ajouter une bonne dose de gin. Durant la Seconde Guerre mondiale, bon nombre de continentaux décou­vrirent cette boisson. Le tonic s’est adouci et hop!, cela fit fureur jusqu’aux années 80. Le liquide dans les verres devenait vaguement bleu dans les disco­thèques dès qu’il y avait de la lumière noire…

Le gin-tonic n’existait pratiquement plus qu’en Espagne jusqu’à ce qu’il renaisse telle une vague qui emporte tout sur son passage dans nos contrées. Il faut dire que le gin est un alcool qui ne coûte presque rien hormis les taxes locales, donc tout le monde s’est mis à en produire. La vague se tarit quelque peu chez nous mais elle a envahi la France ces dernières années. On multiplie les combinaisons à qui mieux mieux, on invente des sodas qui complètent, et tout le monde est heureux. Juste un dernier détail en passant, ceci n’est pas un apéritif même si vous aimez ça. Cela n’ouvre pas l’appétit. Ça aurait même une furieuse tendance... Mais c’est vous qui voyez.

Le Negroni

Parmi les derniers avatars de la famille cocktails, il y a le retour des vermouths et des apéritifs à base de vin, des bitters, tel le St Raphaël pour le plus ancien. Depuis peu, au centre de Bruxelles une “vermuteria” a vu le jour, enfin surtout la nuit, et c’est superbe. Le Negroni tient son nom d’un aristocrate italien qui, à l’aube des années 20, était un peu fatigué de boire toujours le même Americano à l’eau pétillante. C’est comme ça qu’est né ce cocktail: 3 cl de gin, 3 cl de vermouth et 3 cl de Campari. Ceci est un apéritif. Certes un peu raide, mais ça ne transforme pas l’estomac en outre.

La sangria

Voilà une recette qui fait un retour en force. Mais a-t-elle un jour vraiment quitté les tables estivales? La sangria, du moins son idée, date de la nuit des temps. Dès qu’on a fait du vin, il y a environ 8.000 ans, s’est posée la question de sa conservation. Il a fallu recourir à des artifices plus ou moins efficaces pour rendre le vin buvable plus de quelques mois après la vendange. On l’a additionné de fruits, d’herbes, d’épices en fonction de ce que l’on avait sous la main. Il n’y a donc pas de recette véritable de sangria. Évitez toutefois d’y mettre de l’alcool comme du gin ou un truc du genre, le but n’est pas de s’endormir immédiatement au bord de la piscine. Un dernier conseil: ne mangez pas les fruits dès le premier jour, laissez-leur le temps de s’imprégner. Ceci pourrait être un apéritif. Et même accompagner la tomate mozza et le taboulé trop cuit du BBQ du voisin. Passez un bel été et n’oubliez pas de ­dormir là où vous buvez, c’est plus simple.

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