Pourquoi la bière sans alcool n'a-t-elle pas le même goût ?

Si plusieurs méthodes sont utilisées pour obtenir des bières sans alcool, toutes ont un impact sur le goût (à moins que...).

Bière
Un verre de bière ©BelgaImage

C'est l'un des casse-tête des autorités: comment lutter contre la consommation excessive d'alcool. En Belgique, 14% de la population est concernée, avec plus de 10 unités d'alcool ingurgitée par semaine. Un problème quand on sait que cela fait baisser en moyenne l'espérance de vie d'un an, selon un rapport de l’OCDE. D'après le SPF Santé publique, 45% des Belges de 15-24 ans ont même commencé à en boire avant leurs 16 bougies, ce qui peut "conduire à des dommages cérébraux irréversibles et augmente fortement le risque d’accidents mortels".

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Puisque la bière représente une des boissons alcoolisées les plus populaires chez nous, une piste pour régler en partie le problème serait de remplacer cette boisson par une version sans alcool. Oui mais il y a un souci: ça n'a pas le même goût! Une différence rédhibitoire pour de nombreux consommateurs et qui s'explique.

Sans alcool: oui mais pas tout à fait!

Précisons tout d'abord un point: une boisson dite "sans alcool" peut en contenir, mais en quantités très limitée. Selon la législation belge, les bières à moins de 0,5% peuvent obtenir cette désignation. Certains panachés peuvent donc par exemple se classer de la sorte. Idem pour certaines boissons qui utilisent d'ailleurs parfois la formule "0,0%" (ce qui peut cacher la présence de 0,03% d'alcool, par exemple).

En France, la barre est même fixée à 1,2%, en ce calquant sur la norme européenne qui n'oblige pas de déclarer cette teneur en-dessous de ce pourcentage. Cela permet à toute une série de produits de se prévaloir de bienfaits pour la santé.

La chasse à l'alcool

Maintenant que cette précision a été apportée, passons au vif du sujet. Plusieurs études ont passé au peigne fin la méthode de production des bières sans alcool, afin de mieux comprendre ce qui se cache derrière son contenu. Comme le relaye le journal espagnol El País, il en existe ainsi globalement deux types: les bières qui empêchent la formation de l'alcool, et celles qui l'éliminent après sa formation.

Le premier est le plus courant et peut se faire notamment en s'attaquant à la macération. L'amidon des céréales est ici décomposé en petits segments de glucose, par humidification puis séchage des grains, suivi d'un broyage avec de l'eau chaude. Le but est de se retrouver avec des enzymes particulières et donc avec peu de sucre et peu d'alcool.

La fermentation peut également être arrêtée pour éviter la production d'alcool. Cela peut se faire soit en soumettant rapidement les levures à une température proche de 0°C, soit en les extrayant tout simplement, soit en pasteurisant le liquide pour les détruire.

Autre solution: utiliser une levure spécifique. Il existe ainsi des souches incapables de fermenter le sucre habituellement utilisé dans les bières. Cela permet de ne pas toucher au processus de fabrication, à l'exception de cet unique détail.

Enfin, certains préfèrent agir en fin de parcours. La bière est produite normalement et l'alcool est éliminé a posteriori. Ce dernier peut notamment s'évaporer si le produit est chauffé sous vide à 30-60°C.

Sans alcool... et sans goût!

Le problème, c'est que l'impact sur les arômes se fait sentir, qu'importe la méthode employée. En arrêtant la fermentation, les levures ne peuvent pas agir sur les aldéhydes qui caractérisent les différentes boissons. Des composés comme les esters ne peuvent eux aussi pas être autant présents qu'espéré, ce qui prive le produit de ses saveurs fruitées.

Ceux qui chauffent la boisson pour en enlever l'alcool font également s'évaporer des substances volatiles essentielles pour le goût de la bière. Pire: un arôme caramélisé indésirable prend la place vacante.

Quant à la méthode de la macération, elle affecte également les esters et les alcools supérieurs.

En l'état, il semble donc difficile de concilier les partisans de la bière originale et de celle sans alcool.

Des solutions sont néanmoins à l'étude pour pallier à ce problème, comme l'utilisation de minéraux poreux servant de tamis à aldéhydes (les zéolites), l'ajout d'une petite quantité de bière avec alcool pour avoir plus de goût, ou encore l'utilisation de levures enrichissant l'arôme final.

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