Heritage Days : l'Art nouveau mis à l'honneur à Bruxelles

Témoin de la beauté passée d’une ville qui n’a pas hésité à se défigurer, l’Art nouveau est au centre des Heritage Days explorant un style qui fait désormais courir les foules.

art nouveau
L’escalier de l’Hôtel Tassel construit en 1893 par Horta à Bruxelles. © BelgaImage

Toujours très attendue par le public avide de mieux connaître son environnement urbain, cette 35e édition des Journées du patrimoine, appelées désormais Heritage Days, se concentre sur l’Art nouveau. Cela n’a rien de vraiment surprenant, Bruxelles étant souvent qualifiée de capitale de l’Art nouveau, un style architectural qui séduit durablement les Belges mais aussi à travers le monde. Un succès qui ferait presque oublier qu’après la Seconde Guerre mondiale, Bruxelles a vu se détériorer et même disparaître quelques chefs-d’œuvre, parfois signés par d’immenses architectes, tels Victor Horta ou Paul Hankar. Au fil des années, les choses ont évolué, les regards ont changé. Avec cette édition des Heritage Days, urban.brussels, organisateur de l’événement, s’est donné pour mission de permettre au public “de mieux comprendre l’émergence de ce style architectural, sa pérennité et dans quel contexte historique, technologique et social il est apparu”.

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C’est à Bruxelles qu’ont été construits les bâtiments manifestes de l’Art nouveau.

L’Hôtel Tassel, l’Hôtel Hankar

En réalité, précise Cécile Dubois, guide conférencière, indépendante de l’organisation des Heritage Days comme elle se présente elle-même, mais dont les nombreuses publications, soignées et bien illustrées, sont une référence en la matière, “Bruxelles, capitale de l’Art nouveau” est une appellation qui existe depuis les années 70, à la suite d’une publication. Elle n’a rien d’officiel, mais on l’a adoptée dans la mesure où c’est à ­Bruxelles qu’ont été construits les bâtiments manifestes de l’Art nouveau: d’une part l’Hôtel Tassel construit en 1893 par Victor Horta (et inscrit en 2000 au Patrimoine mondial de l’Unesco - NDLR) et d’autre part la maison personnelle que se construit la même année Paul Hankar, rue Defacqz. Une maison qui n’emprunte plus rien au vocabulaire historiciste, mais qui est basée sur le sens de la constructivité et du matériau.” La date de 1893 marque donc la rupture avec un certain académisme et manifeste la volonté de faire une œuvre totale. Ces deux constructions - l’Hôtel Tassel et l’Hôtel Hankar - donnent ainsi naissance à deux tendances de l’Art nouveau, que l’on retrouve à Bruxelles durant quelques années: une tendance très organique, s’inspirant des fleurs et autres formes végétales, mais déjà très stylisées chez Victor Horta. Et une autre ­tendance, plus géométrique, chez Hankar.

Pour faire court, explique Cécile Dubois, toujours séduite par la lumière qui entre dans ces lieux et le soin apporté aux accessoires de décoration, je dirais que 1893 marque, avec Horta et Hankar, la rupture avec l’académisme ambiant. Progressivement, le style se démocratise et l’Art ­nouveau s’intéresse bientôt aussi aux établissements scolaires, au logement social, au magasin, à la ­Maison du peuple construite pour le Parti ouvrier, maison qui sera détruite en 1965, cinq ans avant que ne s’ouvre le Musée Horta à Saint-Gilles. Aujourd’hui, le style est à nouveau et unanimement apprécié par les Belges. Mais il est aussi prisé par les visiteurs étrangers.

Vaste programme

Entre expos, performances, rallyes, conférences, et quelques vingt-cinq sites estimés “incontournables” et exceptionnellement ouverts au public (par exemple le Domaine du Val Duchesse, la salle des coffres de BNP Paribas, les temples maçonniques, le Parlement flamand…), le ­programme des ­Heritage Days est particulièrement excitant. Une cinquantaine d’autres activités, des lieux à découvrir, des promenades théma­tiques à faire, on comptabilise quelque deux cents propositions d’importance certes inégale. Optez, par exemple, pour quelques ­intéressantes ­architectures scolaires du côté de Schaerbeek.

Ou participez, en totale adéquation avec les interrogations de notre temps, à ce parcours sur l’impact des femmes au travers de l’Art nouveau organisé par la Galerie Bortier dans le centre-ville. Ou encore relisez d’un œil averti le passé colonial de notre pays au square Marie-Louise, au cours de la promenade Art nouveau et style Congo, organisée par le Civa - ce style Congo coïncidant, on l’aura compris, avec l’époque coloniale de Léopold II, sur laquelle il n’y a pas lieu de faire l’impasse. Les propositions sont variées. Et comme d’habitude, pour ces journées patrimoniales, plus d’un intitulé s’amuse aussi à titiller notre curiosité. Mais que pourrait-on donc bien découvrir, par exemple, en ces ­Journées du patrimoine “Chez Olivia” à Saint-Gilles?

HERITAGE DAYS, les 16 et 17/9. Programme complet et réservations: www.heritagedays.urban.brussels. Programme et plan disponibles
à Brussels Info Place, rue Royale 2-4, 1000 Bruxelles. 02/513.89.40. www.visit.brussels

L’ART NOUVEAU À BRUXELLES, Cécile Dubois et Sophie Voituron, Racine, 176 p.

Projet de façade pour le pavillon de l’État indépendant
du Congo à l’Exposition universelle de Paris de 1900. © Coll. Musée Horta

Horta, retour à Bozar

Si on se promène lors de ces Heritage Days du côté de Schaerbeek ou de Saint- Gilles, on y croise toujours Victor Horta. Cela vaut bien qu’une expo lui soit entièrement dédiée à Bozar dont l’édification lui fut confiée sous l’impulsion du roi Albert et de la reine Élisabeth désireux de créer dans la capitale “un temple dédié à la musique et aux arts plastiques”. À partir du 18 octobre, Victor Horta et la grammaire de l’Art nouveau s’intéressera aux lignes de force du travail de ce grand artiste belge, né à Gand en 1861. On y examinera - et c’est une première - le lien particulier qui s’est tissé entre le travail de Horta et l’État indépendant du Congo de Léopold II. À la conception et aux manettes de cette expo, on trouve l’ingénieur-architecte Iwan Strauven et Benjamin Zurstrassen, conservateur au Musée Horta.

VICTOR HORTA ET LA GRAMMAIRE DE L’ART NOUVEAU, du 18/10 au 14/1/24. Bozar, rue Ravenstein 23, 1000 Bruxelles. www.bozar.be - www.hortamuseum.be

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