Les grands casses de l'histoire (1/5) : l'attaque du train Glasgow-Londres

Des bad boys, de l’argent, un casse… Les ingrédients qui composent la plus noire de nos séries d’été: les grands braquages de l’histoire. Cette semaine, premier épisode: l’attaque du train Glasgow-Londres.

Les plus grands casses de l'histoire : train Glasgow-Londres
Les plus grands casses de l’histoire : train Glasgow-Londres

1963, Grande-Bretagne, entre les districts de Putney et Battersea. C’est dans ce coin du sud de Londres, baigné par la Tamise, que vivent deux hors-la-loi qui deviendront presque aussi célèbres que quatre garçons dans le vent qui viennent de sortir leur premier album, “Please, please me”. L’un est officiellement antiquaire, l’autre, charpentier. Tous les deux arborent un look de dandy canaille, très à la mode, début des années 60: le look “mods”. Le soir du 7 août 1963, vers 23h30, une bande de seize voyous, spécialistes du braquage, rejoignent une ferme isolée en pleine campagne dans la grande banlieue de Londres.

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C’est là que leur ont donné rendez-vous Bruce Reynolds et Ronald Biggs, l’antiquaire et le charpentier, pour une opération qui fera date dans l’histoire du crime. On répète encore une fois le rôle de chacun, on règle les montres, on monte dans trois véhicules, prêts à partir. à minuit et demi, Reynolds, qu’on appelle dans certains milieux “le colonel” parce qu’il affectionne le port de l’uniforme pour réaliser ses méfaits - un autre look - donne le coup d’envoi. C’est une nuit d’été, une nuit claire et douce. Les véhicules, trois Land Rover militaires, roulent tous feux éteints sur les routes de campagne. Empruntant des chemins de service, ils arrivent jusqu’à un pont. Un pont de chemin de fer. C’est là qu’ils ont choisi d’arrêter le train Glasgow-Londres. Pas moins. L’équipe chargée des communications saute de l’arrière de la Land Rover, escalade le talus qui mène à la voie ferrée et coupe les fils du téléphone, puis prend le contrôle du signal lumineux.

Bruce Reynolds ©BelgaImage

Bruce Reynolds ©BelgaImage

Comment en sont-ils arrivés là? Par un tuyau, littéralement en or. Grâce à un mystérieux indicateur, Reynolds et Biggs ont appris que, chaque semaine, les deux premiers wagons du train postal Glasgow-Londres transportaient d’importantes sommes d’argent provenant des banques écossaises à destination de la Banque centrale britannique.
Des sommes qui, au cœur de l’été, avait bien précisé l’indicateur, pouvaient atteindre le million de livres sterling! Vingt millions d’euros actuels! Peu d’escorte pour ne pas éveiller les soupçons, et pas de wagon de voyageurs, avait également signalé la source. Un coup énorme, qui permettra à toute l’équipe de s’équiper de machine à laver, télévision, chaîne stéréo, de prendre l’avion. Bref, de goûter enfin aux joies de la société de consommation qui arrive, enfin, en Europe! Ou alors, de prendre une retraite au soleil, sur une plage en Californie: “Surfin’ USA!” comme chantent les Beach Boys, aussi cette même année.

Au loin, on aperçoit les phares du train postal. Le signal lumineux, contrôlé par la bande, passe au rouge. Quelques minutes plus tard, la locomotive s’arrête en faisant crisser ses freins. Deux des malfrats se précipitent pour décrocher les deux premiers wagons, cinq autres grimpent dans la cabine du conducteur, un homme de 58 ans. Jack Mills est violemment frappé à coups de barre de fer et s’effondre, inconscient. Le reste de la bande s’attaque à coups de hache aux deux wagons contenant les fonds et… leur escorte. Les vitres volent en éclats, les portes s’ouvrent, les surveillants sont matraqués et neutralisés en quelques instants: l’effet de surprise est total.

Deux tonnes et demie de billets de banque

Les malfrats font alors la chaîne pour transporter les sacs du train aux Land Rover. Il y en a 125 et ils pèsent 20 kg chacun. Deux tonnes et demie de billets de banque! Les Land Rover chargées des gangsters et de leur butin quittent vivement les lieux du braquage qui n’aura duré que 24 minutes. L’opération est tellement rapide que sept sacs sont oubliés sur la voie. Dans les voitures, l’ambiance est euphorique. 2.631.000 livres sterling sans aucun coup de feu. 52 millions d’euros actuels! Les gangsters viennent de réaliser le plus gros vol à main armée de tous les temps.

Mais qui sont réellement ces deux hommes, Reynolds et Biggs? Un simple marchand d’antiquités et un artisan-menuisier? Pas vraiment. Reynolds a 32 ans, c’est un romantique, il se rêve aventurier ou officier. Comme les gens de sa génération, il a connu la guerre et ses rêves d’enfant sont peuplés de gloire, d’honneur et d’héroïsme. Mais entre le vouloir et le faire, il y a bien souvent un obstacle: la paresse. Reynolds en est amplement doté. Dès 17 ans, il se lance dans des cambriolages minables, intègre des bandes et monte peu à peu en grade. Entre ses 17 et ses 32 ans, il passera sept ans en prison. C’est là qu’il rencontre Biggs. Biggs a, lui, 34 ans et est issu comme Reynolds d’un milieu modeste. Mais contrairement à son acolyte, il sait travailler quand cela s’avère nécessaire. Trois passions relient les deux hommes: les femmes, le jazz et Ernest Hemingway dont, en prison, ils dévorent les livres. Ils appelleront d’ailleurs chacun leur fils Nick, comme “Nick Adams”, un des personnages de l’écrivain américain. Ils sont sur la même longueur d’ondes. Alors, quelques années après leur sortie de prison, lorsque, au cours d’un repas, Biggs parle de la passion de son fils Nick pour les trains, Reynolds le branche sur l’idée et sur le mystérieux indicateur si bien renseigné.

Ronald Biggs

Ronald Biggs

Et les voilà donc ce 7 août… Nuit au cours de laquelle ils vont commettre une grosse erreur. Lorsqu’elle s’enfuit, la bande invite les gardiens ligotés à se tenir tranquilles pendant une demi-heure. Ce qui donnera rapidement une idée de la distance de la planque des malfrats - maximum 45 km du lieu du casse. La police décide donc de fouiller tous les bâtiments dans ce rayon. D’autant qu’elle dispose d’un autre indice: la description des véhicules utilisés pour le casse. Un des gardes a en effet aperçu une ou plusieurs des Land Rover militaires. Lorsque la police lance un appel sur les radios nationales pour demander à la population locale de signaler tout mouvement de ce genre de véhicule, c’est la panique dans la ferme dans laquelle les 18 gangsters se sont réfugiés et jouent, en attendant que les choses se tassent, au Monopoly... avec de l’argent réel. Chacun quitte les lieux par ses propres moyens et avec sa part. C’est-à-dire deux sacs ou 120 kilos de billet.

Le nettoyeur: nettoyé. L’argent: disparu

Tout le monde s’enfuit y compris l’homme qui causera la perte de tous: le “nettoyeur” de la bande, chargé de faire disparaître tous les indices de la scène de crime et de la planque. Le lendemain, un jeune fermier qui cherchait une vache perdue la retrouve dans une ferme qui abrite dans un hangar les fameuses Land Rover. Les empreintes que n’a pas fait disparaître le nettoyeur mèneront à l’arrestation des gangsters, Biggs et Reynolds en tête. En fait, pas tout à fait: certains des membres de la bande n’ont miraculeusement pas laissé d’indices et n’ont jamais été inquiétés. Parmi eux se trouvait “l’Irlandais”, le mystérieux informateur qu’aucun des gangsters n’a jamais donné aux policiers. Des malfrats particulièrement peu loquaces: malgré une enquête poussée, on n’a jamais retrouvé l’argent du Glasgow-London…

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